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Le tapis de feuilles mortes crisse sous les pieds et virevolte en nuée marron, recouvrant le bord des allées des Buttes-Chaumont, le "poumon vert" de l'Est parisien, lui donnant de faux airs d'automne. Mais c'est le cœur de l'été et ce jour-là il fait 36°.
Depuis la mi-juillet, la capitale vit, comme d'autres territoires de France, un automne anticipé causé par les vagues de chaleur à répétition et la sécheresse.
Avec un mois d'avance sur le calendrier, les platanes et les marronniers sont les premiers feuillus à avoir perdu leurs feuilles.
Au pied d'un marronnier du parc aux feuilles raréfiées et flétries, Tim Peiger, 28 ans, bûcheron de la Direction des espaces verts et de l'environnement (Deve) de Paris, grimace: "il a pris cher".
"Le feuillage devrait être bien vert. Les branches retombent avec le poids des feuilles. Et quand les feuilles tombent, il n'y a plus de photosynthèse, le bois n'est plus nourri, il sèche et fait du bois mort", diagnostique M. Peiger.
Pourtant, ce phénomène spectaculaire lié à la sécheresse reste sans gravité à ce stade, d'après les experts de la ville.
"Ces arbres sont loin d'être stupides, même s'ils affolent tout le monde, ils se mettent simplement en mode survie", se débarrassant de leur verdure pour économiser leurs réserves, assure Béatrice Rizzo, chargée de la cellule expertise Arbres et bois à la Deve.
Si les conditions météorologiques sont favorables, ces arbres séchés dès l'été "peuvent réenclencher une pousse" avant l'automne, assure Mme Rizzo qui n'y voit rien d'anormal et célèbre leur "résilience".
Mais d'autres pathologies, liées aux chaleurs extrêmes, inquiètent la patronne des arbres parisiens.
Comme les "brûlures solaires", ces coups de soleil sur l'écorce, qui creusent une plaie au bois et vont faciliter son parasitage, menaçant l'arbre à long terme.
"C'est nouveau et c'est lié au climat", souligne l'experte.
- Platanes de Napoléon III -
Lorsque le "grand jardinier" du Paris de Napoléon III, Adolphe Alphand, s'attaque dans les années 1860 au chantier des parcs et jardins de Paris, créant quasiment ex nihilo les Bois de Boulogne, de Vincennes, les Buttes-Chaumont et les principaux "alignements" verts des avenues, les essences indigènes s'imposent, notamment le platane réputé à la fois robuste et ombrageant.
"C'est une essence très résistante, qui résiste bien à la sécheresse et puis c'est emblématique de la ville de Paris", affirme le jeune bûcheron des Buttes-Chaumont à propos du platane qui compose 38% des plantations de rue et borde par exemple les Champs-Elysées.
Entre les périodes 1873-1902 et 2000-2019, la température moyenne de la capitale mesurée à la station du Parc Montsouris a augmenté de 2,3° contre 1° au niveau mondial, selon l'Agence parisienne du climat.
Le climat de Paris change, mais les arbres d'Alphand, patrimoine iconique de la ville, resteront tant qu'ils tiennent.
La municipalité s'est néanmoins dotée d'outils pour introduire de nouvelles essences plus adaptées à ce réchauffement parmi les 170.000 plantations planifiées dans les prochaines années.
Les essences dites méditerranéennes, comme le micocoulier de Provence et même le pin, commencent à être privilégiées à Paris.
- Brûlures -
Dans ces nouvelles conditions climatiques, les jardiniers de Paris ont aussi adapté leur routine d'entretien.
Malgré les restrictions d'eau "il n'y a plus un endroit qu'on n'arrose pas", explique Irène Henriques, la responsable des jardiniers municipaux aux Buttes-Chaumont. Son équipe finalise ainsi sur une application la programmation d'un arrosage automatique de nuit, recommandé par la Mairie.
La pratique de la "taille" a aussi été modifiée. "On taille moins mais plus régulièrement pour garder plus de branches", renseigne la jardinière.
Le "paillage", technique qui consiste à déposer aux pieds des arbres un tapis composé de branches broyées pour limiter l'évaporation, est privilégié.
La surveillance, au pied comme en cime, pour repérer brûlures et branches prêtes à céder est renforcée.
Et les habitués du parc s'y mettent aussi. En témoignent les mots plus ou moins doux reçus par les jardiniers de la part des vigies citoyennes du quartier.
"Aujourd'hui, on ne remarque pas encore de choses dramatiques", reconnaît Daniel Ollivier, 78 ans, à la tête d'un groupe de randonneurs de marche nordique, peu affolé par l'automne anticipé.
"Mais ça ne veut pas dire que ça ne peut pas venir très prochainement", conclut-il en pointant son bâton de marche vers le ciel.
R.El-Zarouni--DT