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Un obèse est-il toujours malade? La controverse, au croisement d'enjeux médicaux et de lutte contre les discriminations, est vive. Des experts mondiaux viennent de s'accorder sur une réponse nuancée, au risque de ne satisfaire aucun camp.
"L'idée que l'obésité soit une maladie est au fondement de l'un des débats les plus controversés et clivant de la médecine moderne", résume le travail publié mercredi dans le Lancet Diabetes & Endocrinology.
Le long article est signé par plusieurs dizaines de spécialistes de l'obésité. Ils se sont mis d'accord pour redéfinir la manière dont on définit cette condition, ainsi que les problèmes qu'elle représente sur le plan médical.
Le sujet est très délicat car il provoque régulièrement d'âpres débats qui dépassent la seule communauté médicale.
On sait que l'obésité est associée à une vaste série de pathologies comme le diabète ou des maladies cardiovasculaires. Mais pour certains observateurs, un obèse peut parfois vivre en bonne santé et son surpoids ne doit, alors, être considéré que comme un facteur de risque.
Pour d'autres, l'obésité est forcément un problème de santé, qui doit être considéré comme une maladie en soi. C'est le point de vue de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ce débat recouvre en partie des questions liées à la lutte contre les discriminations. Certains activistes anti-grossophobie jugent qu'il ne faut pas stigmatiser leur apparence corporelle en la jugeant pathologique.
Il serait cependant caricatural de résumer la controverse à une opposition entre patients et médecins. Chez les premiers, beaucoup jugent essentiel de considérer l'obésité comme une maladie, afin d'être pris au sérieux et que soient engagées des politiques suffisamment ambitieuses de santé publique.
A l'inverse, pour nombre de médecins, on risque de mal répondre aux besoins des patients si l'on prend l'obésité comme une maladie unique, au lieu d'un facteur de risque impliqué dans des pathologies très variables d'un patient à l'autre.
Ces questions prennent une acuité particulière avec l'arrivée de traitements très efficaces pour la perte de poids, dont l'emblématique Wegovy. Alors que leurs effets secondaires posent encore question, faut-il les donner très largement ou les réserver aux patients à la santé la plus affectée ?
- L'IMC ne suffit pas -
En fin de compte, "personne n'a totalement raison et personne n'a totalement tort", a estimé lors d'une conférence de presse Francesco Rubino, chirurgien de l'obésité qui a présidé aux travaux de la commission d'experts.
Car les nouvelles recommandations cherchent la nuance: en résumé, l'obésité est une maladie... Mais pas tout le temps.
Les experts insistent d'abord sur un point qui fait désormais consensus. Le sempiternel indice de masse corporel (IMC), qui témoigne du ratio entre poids et taille, est tout à fait insuffisant.
Il faudrait le compléter par d'autres examens pour décider si un patient est obèse: mesurer son tour de taille par exemple, ou, via des techniques de radiologie, estimer la quantité de graisse dans l'organisme.
Mais même si un patient est déclaré obèse, les experts ne jugent pas forcément qu'il faille y voir une maladie. Selon eux, c'est seulement si des organes manifestent des signes de dysfonctionnement que l'obésité devient "clinique".
Sans cela, ils appellent à parler d'obésité "pré-clinique". Il ne s'agirait alors pas d'une maladie mais d'un état qui nécessite essentiellement des mesures de prévention, et pas forcément des traitements médicamenteux ou chirurgicaux, afin d'éviter une "surmédicalisation".
Ces conclusions visent à être consensuelles, mais elles courent le risque de mécontenter les deux camps. Chez certaines associations de patients, on ne veut tout simplement pas entendre que l'obésité n'est pas toujours une maladie.
"C'est contre-productif sur le message de santé publique", tranche Anne-Sophie Joly, fondatrice du Collectif national des associations d'obèses (CNAO), très virulente contre des experts déconnectés d'une "réalité de terrain" vécue par des patients obèses ne trouvant pas un suivi adéquat.
Reste que le travail de la commission ne satisfait pas non plus les sceptiques de l'obésité comme maladie, telle la psychologue Sylvie Benkemoun, qui préside le Groupe de réflexion sur l'obésité et le surpoids (GROS).
"C'est insuffisant même si ça a le mérite d'entamer une réflexion", commente-t-elle, estimant que les experts n'apportent guère de réponse en matière de prise en charge et que leurs recommandations ne changeront probablement guère l'attitude des soignants.
I.Uddin--DT