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Si le mérou brun a survécu le long des côtes catalanes, il le doit à la réserve marine de Banyuls-Cerbère, une zone où pêche, plongée et baignade sont réglementées, et qui célèbre cette année son 50e anniversaire.
Cette espèce, emblématique de la Méditerranée et capitale pour la biodiversité car tout en haut de la chaîne alimentaire, avait presque disparu de la zone dans les années 1960, lorsque le tourisme et la surpêche avaient un effet désastreux sur le littoral.
"Il n'y avait plus qu'une vingtaine de mérous et d'autres espèces étaient menacées", relate Frédéric Cadène, gestionnaire de la réserve, la plus ancienne de France.
"On en compte désormais 723", se réjouit Didier Fioramonti, gardien de la réserve marine, assis à la barre du bateau qui arpente les eaux de la réserve.
Pour Pascal Romans, conservateur du Biodiversarium de Banyuls-sur-Mer, aucun doute: sans la réserve, "il n'y aurait plus un seul mérou sur la zone".
Plus largement, la réserve a permis "une augmentation de la richesse en espèces, du nombre d'individus et surtout de la longévité" des poissons, sourit Philippe Lenfant, professeur en écologie marine à l'université de Perpignan et vice-président du conseil scientifique de cette institution.
Un moratoire national sur la pêche du mérou brun, en vigueur depuis 1993, puis élargi en 2002, n'est toutefois "pas vraiment respecté en dehors des aires marines protégées", selon Pascal Romans, mais est bien "appliqué sur la réserve".
"Espèce parapluie"
Jumelles sur le nez, face à la brise marine, Jean-François Planque guette les eaux de la réserve depuis le cockpit du bateau.
Soudain, des ailerons de poissons-lunes fendent les flots: "Deux mola-mola!", lance Didier Fioramonti.
Dans cette zone où les Pyrénées plongent dans la Méditerranée, ce sont rien moins que 1.200 espèces animales et près de 500 espèces végétales qui sont protégées.
Le mérou brun est considéré comme une "espèce parapluie" du fait de sa position au sommet de la chaîne alimentaire. Ainsi, quand il prospère, cela signifie que les autres habitants de la réserve sont présents en nombre suffisant.
"Si le mérou se porte bien, c'est qu'en dessous ça va bien", résume Frédéric Cadène.
Le périmètre protégé a permis aux poissons de "se reproduire beaucoup plus de fois, permettant que les œufs et les larves (...) bénéficient à la réserve, aux zones adjacentes", voire jusqu'aux Baléares, à environ 400 km au sud, indique Philippe Lenfant.
Seule une petite partie de la réserve -65 hectares- est strictement interdite à toute activité humaine. Ailleurs, sur 600 ha, la réglementation est moins contraignante.
La vitesse des navires qui passent dans la zone est "limitée à huit nœuds" (15 km/h), indique Jean-François Planque, afin "d'éviter les nuisances sonores" qui "stressent les poissons durant la période de reproduction".
Et "si un pêcheur attrape un mérou, il nous appelle et on lui rachète pour le relâcher ensuite", ajoute-t-il.
Doublement du périmètre
Ce fonctionnement permet de "préserver la biodiversité tout en maintenant les activités humaines", se réjouit Didier Fioramonti.
S'ils sont habilités à verbaliser les manquements sur la réserve, les gardiens privilégient toutefois "la pédagogie auprès des gens qui, ensuite, veulent protéger avec nous", souligne-t-il.
Signe de son succès, la réserve de Banyuls a été ajoutée en 2014 à la Liste verte de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), un organisme regroupant des agences gouvernementales, des experts et des ONG, distinguant des sites remarquables.
Son périmètre va en outre bientôt doubler, atteignant les 1.250 hectares d'ici à deux ans.
L'extension du périmètre devrait permettre "très rapidement de voir plus de mérous qui vont déborder vers l'extérieur", répondant également à "l'un des enjeux de la réserve", conclut Pascal Romans.
I.El-Hammady--DT