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L'autorité américaine de la concurrence (FTC) a annoncé jeudi avoir lancé une enquête sur les investissements de plusieurs milliards de dollars de Microsoft, Google et Amazon dans les principales start-up d'intelligence artificielle (IA) générative, OpenAI et Anthropic.
L'essor de l'IA générative depuis un an grâce au succès de ChatGPT (OpenAI) entraîne une course effrénée au développement et déploiement des programmes informatiques capables de produire textes, sons et images sur simple requête en langage courant.
"L'histoire montre que les nouvelles technologies peuvent créer de nouveaux marchés et une concurrence saine", a estimé Lina Khan, la présidente de la FTC, citée dans un communiqué.
Mais "nous devons nous prémunir contre les tactiques qui verrouillent cette opportunité", a-t-elle ajouté.
L'investigation va porter sur les investissements de Microsoft dans la start-up californienne OpenAI, ceux d'Amazon dans Anthropic, concurrente directe d'OpenAI, et ceux de Google, aussi chez Anthropic.
Elle doit permettre de mettre à jour des informations sur la stratégie des groupes, les conséquences pour la sortie de nouveaux produits, l'impact sur les parts de marché et sur l'accès aux ressources nécessaires à ces systèmes informatiques gourmands en puces électroniques sophistiquées.
"Les Etats-Unis sont le leader mondial dans l'IA parce que d'importantes entreprises américaines travaillent ensemble. Les partenariats entre des entreprises indépendantes telles que Microsoft et OpenAI (...) favorisent la concurrence et accélèrent l'innovation", a déclaré Rima Alaily, vice-présidente de Microsoft.
- Ouvert ou fermé -
Google a de son côté réagi par une attaque contre son rival, opposant son approche "ouverte" à la relation qu'il considère comme exclusive entre Microsoft et OpenAI.
"Nous espérons que l'étude de la FTC exposera les entreprises qui n'offrent pas l'ouverture de Google Cloud ou qui ont une longue histoire de verrouillage des clients - et adoptent la même méthode pour les services d'IA", a indiqué un porte-parole de Google.
Selon le géant d'internet, Microsoft cherche à construire un écosystème fermé et exclusif avec le modèle d'IA d'OpenAI, tandis que sa plateforme de cloud donne accès à une centaine de modèles de langage différents.
Google a longtemps été considéré comme le leader de l'intelligence artificielle, mais l'irruption d'OpenAI a bousculé le groupe de Mountain View.
Encouragé par le succès instantané de ChatGPT fin 2022, Microsoft a mis les bouchées doubles, injectant de nouveaux fonds chez son allié. OpenAI a reçu environ 13 milliards de dollars du développeur de Windows ces dernières années.
Fin septembre, Amazon a de son côté annoncé jusqu'à 4 milliards de dollars d'investissement dans Anthropic. Cette start-up de la Silicon Valley, qui a bâti sa réputation sur une approche moins téméraire qu'OpenAI, bénéficie aussi de fonds conséquents de Google.
Toutes ces entreprises ont ajouté des outils de production automatisée de contenus à leurs équipements et logiciels (recherche sur internet, assistant vocal, commerce en ligne, productivité, etc).
"L'IA pose des problèmes de concentration (et de domination des entreprises) à une toute nouvelle échelle", a réagi sur X (ex-Twitter) Zephyr Teachout, professeure de droit à la Fordham University. "Nous sommes très heureux de voir que la FTC enquête sérieusement maintenant, avant que les relations de pouvoir autour de l'IA ne se cimentent".
- "Musée des horreurs" -
Malgré ses nombreux efforts pour contrer les géants de la tech, qui gagnent toujours plus de terrain, Lina Khan a remporté peu de victoires depuis son arrivée à la tête de l'agence fédérale. Elle a notamment échoué à bloquer l'acquisition d'Activision Blizzard (jeux vidéo) par Microsoft.
D'autres régulateurs ont déjà tiré la sonnette d'alarme au sujet du risque que l'IA soit contrôlée par une poignée de sociétés puissantes.
La Commission européenne a ainsi indiqué ce mois-ci qu'elle vérifiait "si l'investissement de Microsoft dans OpenAI" pouvait "faire l'objet d'un examen".
"L'intelligence artificielle a le potentiel de devenir le musée des horreurs de l'antitrust si on ne fait rien", a déclaré fin novembre Benoît Coeuré, le président de l'Autorité française de la concurrence.
Pour de nombreux experts du secteur comme Dan Ives, analyste de Wedbush, l'IA générative constitue la "plus grande révolution technologique des 30 dernières années".
Mais elle suscite aussi de nombreuses inquiétudes sur les risques d'utilisation à mauvais escient, de la fraude à la désinformation en passant par le vol de propriété intellectuelle.
L'UE s'est entendue en décembre sur une législation inédite pour réguler l'IA, cherchant à favoriser l'innovation tout en limitant les possibles dérives.
Y.El-Kaaby--DT