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Le 2 décembre 1938, 196 enfants juifs de Berlin arrivaient à Londres: c'était le premier convoi d'une vaste opération qui a permis de sauver 10.000 enfants des Nazis. Parmi eux, Alexandra Greensted, qui, à 91 ans, s'inquiète désormais de la montée de l'antisémitisme au Royaume-Uni.
Alexandra vivait en Tchécoslovaquie avec son père et ses frères. Elle avait déjà perdu sa mère, décédée quand elle avait trois semaines. A sept ans, lors de l'été 1939, elle a été séparée du reste de sa famille pour être mise à l'abri en Angleterre.
Face à la montée du nazisme en Europe, des "Kindertransport" ont été mis en place pour sauver des enfants juifs en les conduisant en Angleterre.
"J'ai eu tellement peur quand j'ai quitté mon père et mes frères", se souvient-elle, interrogée par l'AFP. Tous sont morts à Auschwitz. Elle, a grandi dans une famille d'accueil dans le Kent (sud).
Un film "Une vie", qui sortira en salle en janvier au Royaume-Uni et en février en France, raconte l'histoire du Britannique Nicholas Winton, incarné par Anthony Hopkins, qui a aidé à sauver des centaines d'enfants d'Europe centrale à la veille de la Seconde guerre mondiale.
Alexandra Greensted l'a vu en avant-première. "C'était très émouvant. (...) De nombreux amis attendent impatiemment de le voir pour en savoir plus sur mon histoire", dit-elle.
Le premier "Kindertransport" est arrivé le 2 décembre 1938 au Royaume-Uni, avec à bord 196 enfants sauvés d'un orphelinat juif de Berlin incendié pendant la Nuit de Cristal le 9 novembre précédent. Leur train s'est arrêté à la gare de Liverpool Street à Londres, où une statue "The arrival" (l'arrivée), leur rend hommage.
En 18 mois, 10.000 enfants venus d'Allemagne, d'Autriche puis de Tchécoslovaquie et de Pologne furent exfiltrés.
- Retirer sa kippa -
L'organisation World Jewish Relief a financé leur voyage.
Les plus petits étaient placés dans des familles d'accueil. Les adolescents de plus de 16 ans recevaient une aide pour trouver une formation ou un travail.
Le dernier convoi quitta le port néerlandais de Ymuiden, à bord du bateau "Bodegraven", un jour avant la reddition des Pays-Bas.
Les parents ont laissé partir leurs enfants avec des étrangers, sans savoir s'ils les reverraient un jour.
"Il faut imaginer, un enfant, à 5 ans, 8 ans ou 12 ans, être séparé de ses parents. Et ces parents qui ont envoyé leurs enfants vers l'inconnu", souligne Henry Grunwald, le président de l'organisation World Jewish Relief. "La plupart ne se sont jamais revus."
Il est difficile de savoir précisément combien de ces réfugiés des "kindertransport" sont encore en vie, car certains ont quitté le Royaume-Uni. Mais l'Association des Réfugiés Juifs compte 140 membres actifs dans le pays, dont Alexandra Greensted.
Une cérémonie va être organisée pour l'anniversaire du premier "kindertransport". Mais les organisateurs ne souhaitent pas diffuser, "par précaution", pour des raisons de sécurité, le jour et le lieu de cet événement.
Depuis l'attaque meurtrière le 7 octobre du mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël, qui en riposte a bombardé massivement la bande de Gaza, le Royaume-Uni connaît, comme plusieurs autres pays, une augmentation des actes antisémites.
"C'est tellement inquiétant", dit Alexandra Greensted. "Je n'aurais jamais pensé voir cela de mon vivant".
Entre le 7 octobre et le 29 novembre, le Community Security Trust, dont le rôle est de protéger la sécurité de la communauté juive, a enregistré "au moins 1.747 incidents antisémites", au Royaume-Uni. Il s'agit principalement de violence verbale, de graffitis, mais l'organisation a aussi relevé 74 agressions.
Il s'agit du bilan "le plus élevé" jamais enregistré en 54 jours selon cette organisation qui relève les actes antisémites depuis 1984. Sur la même période en 2022, elle avait enregistré 263 "incidents antisémites".
Henry Grunwald dit connaitre des juifs qui retirent désormais leur kippa quand ils sont dans l'espace public. Lui, évite le centre de Londres, le samedi, au moment de la manifestation en soutien aux Palestiniens. "Mais je ne vais pas permettre que ma vie soit définie par l'antisémitisme, je continuerai à faire ce que je veux faire autant que je le peux", dit-il.
G.Gopinath--DT