AEX
2.8500
Fluide, le pied ultra léger et une endurance extrême: Anne-Lise Rousset a pulvérisé mardi en 35 heures le record féminin du mythique GR 20 en Corse sur 170 km et 13.000 m de dénivelé positif, une première depuis dix ans.
Des larmes aux yeux, un large sourire, fidèle à son image, Anne-Lise Rousset a passé en petites foulées le point d'arrivée du GR 20 à Conca (Corse-du-Sud) à 17h50 pour devenir la première femme à courir sous les 40 heures, abaissant de six heures le record d'Emilie Lecomte (41 h 22 min en 2012).
Passionnée de trail depuis 2009 pour le pur plaisir, cette vétérinaire rurale, maman d'un petit garçon depuis onze mois, n'avait jusqu'à présent jamais couru plus de 100 km.
Elle a traversé la Corse du nord au sud accompagnée uniquement de deux "pacers" (lièvres ou meneurs d'allure), comme le prévoit le nouveau règlement, deux jours durant sous un soleil de plomb, une nuit à chercher son chemin sur des étroits sentiers rocailleux et dangereux.
Privée de sommeil, elle a tenu par amour de la course, conquise par la technicité du GR 20, portée par le soutien de son entraîneur et mari, Adrien Séguret, et des petits câlins de leur fils Faustin sur les points relais du parcours.
Rousset est la quatrième femme à terminer le GR 20 depuis la première homologation en 1989 et signe la quatrième performance de l'histoire du sentier de randonnée, considéré comme l'un des plus durs en Europe. Le record absolu est détenu depuis juin 2021 par Lambert Santelli en 30 h.
- Manger -
"C'est difficile de juger de la qualité d'une performance en trail", avait expliqué à l'AFP Rousset avant son départ. "Le marathon, ça ne trompe pas, on fait un temps, bon ou pas. En trail, on va parfois admirer une performance pas forcément à la hauteur de l'enjeu. Et là je me dis que si ça marche, il y a une référence. On sait ce que ça représente. Cela aura peut-être un peu de valeur. C'est ce côté qui est chouette et séduisant."
Partie lundi à 6h00 depuis Calenzana (Haute-Corse), la sportive de 33 ans, qui avait marqué les esprits en 2020 avec le record de la traversée des Aravis (49 km et 6.110 m de dénivelé positif en 10h35) a usé quatre paires de chaussures pour ce nouvel exploit et s'est alimentée.
"J'ai médicalisé énormément de trails et sur les ultras on voit beaucoup de problèmes digestifs. C'est le problème N.1 qui fait qu'on abandonne un trail. Ceux qui gagnent les ultras sont ceux qui continuent à boire et à manger. C'est ça l'enjeu", souligne à l'AFP le Dr Stéphane Bergzoll, médecin de l'équipe de France de trail.
Vers 1h00 du matin, Rousset a montré des signes de difficulté, elle commençait à ne plus vouloir se nourrir. La perte de lucidité s'amorçait. A 4h00, le nouveau tandem de "pacers" l'ont convaincu de dormir cinq minutes pour la remettre sur pied.
"Au delà de dix heures d'effort, physiologiquement on passe dans un autre métabolisme. Ceux qui tiennent à haute intenté ont des qualités digestives et de résistance à la fatigue musculaire que d'autres n'ont pas", relève Bergzoll, impressionné par la traileuse, "hors normes par ses capacités intrinsèques, génétiques".
- Sport et grossesse -
"Elle a beaucoup de vitesse, de légèreté, elle a un pied que j'ai rarement vu, un poser de pied et un rebond assez unique. Et c'est une sportive de haut niveau, qui fait du sport d'endurance et qui a réussi à faire un enfant. C'est un bel exemple (qui montre) que sport et grossesse, c'est possible", fait valoir le médecin du sport.
Anne-Lise Rousset ne se veut pas "le porte-drapeau du sport féminin" alors que le trail souffre du manque de densité féminine.
"Le fait d'être sur un terrain où les filles ne vont pas forcément, ça n'a pas à jouer. Il faut se mettre à égalité, on n'a pas à se poser ce genre de questions. Moi je ne me la pose pas", glisse-t-elle.
En octobre, elle participera pour la première fois à la Diagonale des Fous à La Réunion.
Vendredi, une autre femme, Karen Courcelle, part à l'assaut du GR 20.
I.El-Hammady--DT