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Durant 21 saisons sur le circuit, Rafael Nadal a martyrisé son corps et n'a dominé les douleurs et les blessures que grâce à son mental hors du commun, jusqu'à décrocher dimanche, malgré un pied gauche qui le fait souffrir depuis 18 ans, un 14e Roland-Garros, son 22e titre du Grand Chelem.
Le coude, l'épaule, la main et le poignet gauches, le dos, l'avant-bras droit (alors qu'il joue de la main gauche), les abdominaux, les côtes mais aussi les genoux, les chevilles, la cuisse... "C'est un blessé qui joue au tennis", a résumé son oncle et entraîneur historique Toni Nadal en avril 2019, selon des propos rapportés par le journal espagnol Cinco Dias.
Selon son médecin Angel Ruiz, le joueur possède "une génétique merveilleuse" qu'il allie à un mental à nul autre pareil et surtout à "une résistance à la douleur exceptionnelle qui serait de 9 sur une échelle de 10".
"La majorité des joueurs aurait pris sa retraite, lui non", insiste le médecin dans un entretien paru en juin 2019 dans le quotidien espagnol El Mundo.
En 2009, c'est avec une déchirure abdominale qu'il a abordé l'US Open.
"Comme cela ne gêne que pour le service et pas vraiment pour le reste, j'avais joué et j'avais perdu en demies contre Del Potro. Mais la déchirure était passée de 7mm à 27mm, c'était un peu stupide de ma part", avait commenté Nadal.
En 2014, c'est avec quasiment un trou dans la main gauche, dû à une énorme ampoule, qu'il s'est présenté en demi-finale de l'Open d'Australie contre Roger Federer... qu'il a battu en trois sets avant de s'incliner en finale face à Stan Wawrinka.
A plusieurs reprises, les blessures l'ont tenu à l'écart du circuit. Toujours, jusque-là, il est revenu. Non pas pour simplement jouer, mais pour gagner.
- Plusieurs retours en force -
Ainsi, à la fin de la saison 2008, il souffre d'une tendinite au genou. Il abandonne à Paris-Bercy et renonce au Masters de fin d'année (mi-novembre). Tout ça pour revenir deux mois plus tard à l'Open d'Australie 2009 et faire pleurer Federer après lui avoir infligé l'une des plus cuisantes défaites de sa carrière au terme d'un match de 4h30. En demies, l'Espagnol avait déjà bataillé 5h14 pour éliminer Fernando Verdasco.
La première longue pause dans sa carrière intervient en 2012 lorsqu'il met un terme à sa saison après une défaite au deuxième tour de Wimbledon, de nouveau en raison de douleurs à un genou.
Revenu sur le circuit en février 2013, il emporte dix tournois cette année-là dont Roland-Garros et l'US Open, ainsi que cinq Masters 1000.
Mais son retour le plus éclatant, car parfaitement improbable à plus de 35 ans, est celui de 2022.
Éliminé par Novak Djokovic en demi-finales de Roland-Garros au printemps 2021, Nadal a été confronté à un brusque réveil de la douleur à son pied gauche, atteint depuis des années du syndrome de Müller-Weiss, une nécrose dégénérative de l'os scaphoïde qui fait qu'un os du pied n'est plus irrigué normalement et meurt progressivement. Cette maladie est "chronique et incurable", selon les termes du joueur qui doit la gérer depuis qu'il a 18 ans.
Positif au Covid-19 en décembre 2021, il a abordé la saison 2022 avec une préparation plus qu'approximative.
- "Pronostic vital engagé" -
Vainqueur d'entrée du tournoi de Melbourne, il a enchaîné sur une victoire phénoménale et historique à l'Open d'Australie: en remontant deux sets en finale face à Daniil Medvedev, il a porté à 21 le record de titres du Grand Chelem.
"Cette blessure empêcherait 99% des humains de se déplacer à la vitesse à laquelle il se déplace", affirmait le président de la Société espagnole de traumatologie du sport, le docteur Rafael Arriaza, au quotidien la Voz de Galicia fin janvier.
"Rafa frappe beaucoup mieux la balle qu'avant, mais il court beaucoup moins bien qu'avant. Tant que les résultats sont là on ne le voit pas toujours, mais pour moi c'est ultra flagrant. Et tout d'un coup, ça baissera tellement physiquement que ça ne l'autorisera même plus à frapper comme il peut le faire, et le déclin est rapide", a cependant prévenu le Français Gilles Simon dans un entretien avec l'AFP le 9 mai.
A Indian Wells, c'est une fracture de fatigue aux côtes qui lui a vraisemblablement coûté la finale après une victoire en demies contre le phénomène Carlos Alcaraz.
Avec une préparation pour la saison sur terre largement amputée, il est arrivé à Rome où il a serré les dents mais a fini par abandonner en huitièmes de finale.
"Je pense qu'il a des douleurs inimaginables quand il se lève le matin ou qu'il sort du terrain et j'ai l'habitude de dire que quand Rafa commence à grimacer, à dire qu'il a mal quelque part, pour nous ce serait pronostic vital engagé...", selon l'ancien joueur français Fabrice Santoro, désormais consultant pour Prime Vidéo.
I.El-Hammady--DT