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"Depuis que je suis jeune, mon père me dit que je peux changer le monde avec ma raquette": quand elle a atteint la finale de Roland-Garros, c'est un message contre les armes à feu que l'Américaine Cori Gauff, 18 ans, hyperexposée depuis ses débuts, a passé.
"Stop à la violence par armes à feu" ("End gun violence"): ce sont les quelques mots écrits par Gauff sur la caméra jeudi, en référence à la récente fusillade survenue dans une école primaire texane, à Uvalde, qui a coûté la vie à 19 enfants et deux enseignantes.
"C'est important pour moi en tant que citoyenne. J'ai des amis qui ont vécu la fusillade de Parkland (17 personnes dont 14 élèves tués en février 2018 dans un lycée de Floride, ndlr). Par chance, ils s'en sont sortis mais je me souviens avoir vu de près ce qu'ils ont traversé", a expliqué la jeune Floridienne après sa qualification pour sa première finale en Grand Chelem, finalement perdue 6-1, 6-3 face à la N.1 mondiale Iga Swiatek samedi.
"C'est fou, j'avais 13 ou 14 ans quand ça s'est passé, et rien n'a changé depuis. C'était un message pour les gens aux Etats-Unis, et ceux du monde entier qui regardent. J'espère que ça rentrera dans la tête de ceux qui sont au pouvoir et qu'ils changeront les choses. Une réforme doit absolument être menée", appelle-t-elle de ses voeux.
- Le sport comme tribune -
"Maintenant que j'ai 18 ans, je m'efforce de m'informer sur certaines questions, parce que j'ai le droit de vote et que je veux l'utiliser de manière avisée", explique la jeune Américaine.
Et à 18 ans seulement - elle les a fêtés le 13 mars - Gauff s'inscrit déjà dans la lignée d'autres sportifs qui ont pris la parole sur des sujets de société ces dernières années en particulier.
Interrogée sur ses modèles, elle évoque le basketteur LeBron James, les joueuses de tennis Serena Williams, Billie Jean King et Naomi Osaka, le joueur de football américain Colin Kaepernick. "La liste est encore longue", ajoute-t-elle.
"Le sport vous donne une tribune qui permet que votre message touche plus de gens", constate la joueuse.
"Aujourd'hui, les sportifs sont plus à l'aise pour s'exprimer sur ces sujets. Souvent on est mis dans des cases et les gens disent qu'il ne faut pas mélanger sport et politique. Mais je suis un être humain avant d'être une joueuse de tennis. Alors bien sûr que je m'intéresse à ces questions et que je vais m'exprimer dessus. Je ne vais pas être une sportive toute ma vie. Il y a un moment donné où je prendrai ma retraite sportive, et je serai toujours un être humain", insiste-t-elle.
- "Pas rester silencieux" -
A 16 ans déjà, en plein mouvement "Black Lives Matter" aux Etats-Unis, après la mort de l'afro-américain George Floyd pendant un contrôle de police, Gauff avait pris le micro lors d'une manifestation dans sa ville de Delray Beach. Avec deux messages : "Nous devons agir" et "Vous devez utilisez votre voix, quelle que soit sa portée".
"Il ne faut pas rester silencieux. Si vous choisissez le silence, vous choisissez le camp de l'oppresseur", exhorte-t-elle alors.
Sur un court de tennis, l'athlétique Cori, surnommée "Coco" et entraînée par son père Corey, un schéma qui rappelle forcément celui des soeurs Williams, s'est fait un nom à 15 ans seulement. Quand elle a battu d'entrée Venus, l'aînée des Williams, et s'est invitée en huitièmes de finale, à Wimbledon en 2019. Puis à l'Open d'Australie 2020, lorsqu'elle a éliminé Osaka, alors tenante du trophée, au troisième tour.
"Comme elle a gagné très jeune des matches, tout le monde a dit qu'elle allait gagner des Grand Chelem tout de suite. (Les gens) ont fait d'elle quelqu'un qu'elle n'était pas", retrace auprès de l'AFP Patrick Mouratoglou, qui a découvert Gauff à dix ans à l'occasion d'une détection dans son académie.
"Elle était prête à battre des grandes joueuses sur un match. Mais sur la durée d'un Grand Chelem, ce n'est pas la même histoire", souligne-t-il.
Sa quinzaine parisienne a montré qu'elle n'en était plus si loin.
B.Krishnan--DT