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D'une enfance de misère à Buenos Aires au statut de joueur le mieux payé au monde, l'Argentin Carlos Tevez, qui a officialisé sa retraite sportive à 38 ans, a vécu une carrière riche en buts, transferts sulfureux, conflits et retours au pays.
Il y a d'abord ce physique de cinéma. Teint buriné, gueule brûlée et cassée, chair tatouée. A son corps défendant, en partie. Ébouillanté accidentellement à l'âge de neuf mois, il en a gardé des cicatrices, du visage au torse. A douze ans, une balançoire lui a également brisé la mâchoire.
Un corps meurtri et quelques gros bleus à l'âme aussi. Dans son quartier mal famé de "Fort Apache" qui lui vaudra son surnom, son père est tué par balles, alors qu'il n'a que cinq ans. Sa mère est rongée par des addictions et c'est finalement un oncle, Segundo Tevez, qui l'élève.
Heureusement pour l'Apache, le ballon rond lui offre une porte de survie. "Sans le foot, j'aurais terminé comme beaucoup d'enfants de mon quartier, je serais mort ou en taule, ou drogué quelque part dans la rue", confiera-t-il.
Il intègre le centre de formation de Boca Juniors, puis sous les ordres de Carlos Bianchi, il réalise en 2003 un triplé Championnat-Copa Libertadores-Coupe intercontinentale. Appelé en sélection, il perd une finale de Copa America en 2004, mais remporte le titre olympique aux JO d'Athènes en terminant meilleur buteur.
- L'imbroglio TPO -
La suite de la carrière de Tevez épouse les désirs d'une société aux contours flous, Media Sports Investments (MSI), à laquelle Tevez a cédé une partie de ses droits économiques. Un mécanisme de tierce propriété (TPO) répandu en Amérique latine qui sera interdit par la Fifa en 2015.
Début 2005, Tevez prend ainsi la direction du Brésil et des Corinthians, propriété de MSI. Puis en 2006, il débarque en compagnie de son compatriote Javier Mascherano à West Ham. C'est un but de l'Apache qui évite la relégation aux Hammers, mais envoie Sheffield en Championship. Le club du Yorkshire contestera la régularité des contrats des deux Argentins et sera dédommagé, mais pas réintégré en Premier League.
Tevez entame ensuite ses années mancuniennes. A United, où il remporte deux championnats et une Ligue des champions entre 2007 et 2009. Puis chez l'ennemi City, où l'expérience est plus mitigée et marquée par sa relation dégradée avec Roberto Mancini et son refus de rentrer en jeu lors d'un match en septembre 2011.
Guerre de déclarations, retour au pays, amendes, le feuilleton s'achève par des excuses publiques de l'Argentin qui fait son retour dans l'équipe en mars 2012 et contribue avec Sergio Agüero à la conquête du titre de champion.
En 2013, il s'envole pour la Juventus Turin. Avec les Bianconeri, tout lui sourit ou presque. Il est notamment sacré deux fois champion d'Italie, met fin à une disette de cinq ans et demi sans but en Ligue des champions, mais perd tout de même la finale de la C1 en 2015.
- Gros salaire et surpoids -
Après cette deuxième saison achevée avec 29 buts, Tevez a le mal du pays et retourne à Boca. "C'est un jour fabuleux, ici, c'est chez moi (...) Je reviens alors que je suis au mieux", déclare-t-il. Tevez revient et Boca revit en remportant le Championnat après plusieurs années d'attente.
Mais "l'homme du peuple", comme on le surnomme en raison de son histoire et de sa philanthropie, ne résiste pas à l'appel de la Chine où l'attend un salaire de 38 millions d'euros par an. Il devient le joueur le mieux payé au monde. L'expérience d'un an au Shanghai Shenhua tourne pourtant au fiasco entre surpoids, méforme, et critiques sur le niveau du football chinois.
Quoi de mieux qu'un nouveau retour à Boca pour se relancer? Le 7 mars 2020, d'une frappe puissante dont il a le secret, l'attaquant fait chavirer la Bombonera et offre, à 36 ans, un 34e titre aux Xeneizes.
En juin 2021, Tevez annonce son départ de Boca pour raisons familiales. Il n'a plus rejoué depuis. Dans une interview à la chaîne America TV vendredi soir, il a expliqué qu'il raccrochait car il avait perdu son "plus grand fan", son père adoptif, décédé du Covid en février 2021.
Après une carrière forte de plus de 300 buts, 76 sélections et 29 titres, l'autre idole de Boca, avec Maradona et Riquelme, à qui Netflix a consacré une série en 2019, va donc définitivement ranger ses crampons pour se tourner vers une carrière d'entraîneur. En juin 2020, il avait déjà imaginé son jubilé.
"Si je prenais ma retraite et que je devais organiser un match d’adieu, mon équipe serait : Gianluigi Buffon, Hugo Ibarra, Rio Ferdinand, Gabriel Heinze, Patrice Evra, Paul Scholes, Andrea Pirlo, Paul Pogba, Cristiano Ronaldo, Lionel Messi et Wayne Rooney. Je resterais sur le banc." On n'est pas obligé de le croire.
F.El-Yamahy--DT