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Enfin la "sortie du tunnel", souffle Thibaut Pinot. Plus d'un an et demi après sa chute dans le Tour de France 2020, le héros malheureux de l'édition 2019 confie avoir "encore beaucoup d'appréhension".
Rencontré par l'AFP sur ses terres vosgiennes, le grimpeur de Groupama-FDJ attend "pas mal de réponses" du Tour de Suisse (12-19 juin), deux semaines avant la Grande boucle.
Question: Comment avez-vous vécu cette période pénible ?
Réponse: "C'était très dur mentalement, long, surtout. Parce que tu ne vois pas le bout du tunnel. Surtout, tu ne sais pas comment ça va finir: on connaît la date de la chute (le 29 août 2020, ndlr), mais on ne sait jamais quand on va être guéri. Le point final, la sortie du tunnel, c'était la victoire dans le Tour des Alpes (le 22 avril 2022, ndlr)."
Q: Ce succès a suscité beaucoup de réactions, presque plus que la victoire finale de Romain Bardet...
R: "Ca me touche énormément. Je ne m'attendais pas à de telles réactions et à de telles émotions. J'ai eu peut-être plus de messages après ma deuxième place (la veille quand il était apparu en pleurs, ndlr) qu'après ma victoire. Les gens aiment les émotions qu'on leur transmet à la télé. Je suis un coureur qui en donne, sans le vouloir. Je suis entier et j'ai toujours dit ce que je pensais. Je n'ai jamais caché mes émotions devant une caméra et je n'y arriverai jamais."
Q: Quelles sont vos ambitions sur le Tour ?
R: "L'objectif de l'équipe est d'être proche du podium. Pour l'instant, mon objectif personnel est de jouer une victoire d'étape."
Q: Parler de classement général serait trop s'avancer ?
R: "Il faut être prudent: je ne suis pas encore prêt mentalement à me battre durant trois semaines. Ce n'est pas la montagne qui me fait peur, j'ai encore beaucoup d'appréhension en raison de la chute. Je n'ai tellement pas envie de revivre ce que j'ai vécu que je prends encore moins de risques qu'avant. Il y aura des barrières à lever d'ici le départ du Tour. Le Tour de Suisse va me donner pas mal de réponses. Physiquement, j'en attendais du Tour des Alpes et du Tour de Romandie, je les ai eues. Reste à savoir si je suis capable de retrouver ma place en tête du peloton et de frotter avec les autres."
Q: Il y a aussi deux Slovènes ultra-dominateurs, Tadej Pogacar et Primoz Roglic, avec lesquels il est difficile de rivaliser...
R: "On a vu l'an dernier, Roglic tombe dès le deuxième jour (le troisième en fait, ndlr). En 2014, (Christopher) Froome (vainqueur sortant alors, ndlr) est tombé aussi. C'est ce qui est un peu compliqué à gérer sur le Tour: on a quand même plus de chances de tomber en première semaine que dans le Giro ou la Vuelta. Pogacar et Roglic sont presque imbattables à 100% et sans problème. Mais il reste une place sur le podium et elle est prenable pour beaucoup."
Q: Vous êtes déjà monté sur le podium en 2014, vous avez gagné en 2018 un Monument, le Tour de Lombardie, après quoi courez-vous encore à bientôt 32 ans ?
R: "Mes grands objectifs de début de carrière sont atteints. Maintenant, j'en ai encore beaucoup. Une victoire dans le Tour, n'importe où, est toujours belle à prendre. Je n'ai jamais ramené le maillot de meilleur grimpeur. Ce maillot m'a toujours fait rêver quand j'étais petit. J'ai une trentaine de victoires (32 exactement, ndlr), pour un grimpeur, c'est bien. Je ne suis pas un grand champion, je suis un très bon coureur. Avoir gagné sur les trois grands Tours, pour moi, c'est une des plus belles lignes de mon palmarès. Ça m'a toujours fait rêver. Mais je n'ai gagné qu'une fois dans le Giro, j'aimerais y gagner plus et sur le Tour encore. Parce que ce sont des émotions uniques."
Q: Vous avez évoqué le maillot rose aussi, est-ce un regret de voir le Giro à la télé cette année ?
R: "On ne peut pas faire toutes les courses malheureusement (…) J'ai toujours des regrets de pas y être. Surtout cette année, il y a peu de +chronos+, peu de leaders. Forcément, quand tu es grimpeur, ça donne des belles batailles, il y a peu d'équipiers pour faire le rythme. J'ai émis le souhait de le faire, mais j'ai vite compris que la porte était fermée, j'espère y être l'an prochain."
Q: En attendant, un pronostic ?
R: "Romain Bardet ou (Richard) Carapaz mais je pense que c'est l'année de Romain."
Propos recueillis par Clément Varanges
A.El-Nayady--DT