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Romain Bardet a embrassé son alliance et a, d'un geste de la main, dit adieu au Tour de France au sommet du col de la Couillole samedi, avant de fondre en larmes au terme d'une grande étape venant conclure une dernière danse réussie.
"C'est l'histoire de ma carrière, se battre sans jamais être le meilleur", a-t-il lâché d'une voix tremblotante après avoir longuement épongé ses larmes, le visage enfoui dans une serviette.
Certes, l'Auvergnat lézardera au soleil le long des 33,7 km de contre-la-montre entre Monaco et Nice dimanche pour l'ultime étape de cette Grande boucle.
Mais le grimpeur de 33 ans a tenu à briller sur son terrain, la montagne, lors de cette avant-dernière étape qui a emmené le peloton jusqu'au sommet du col du Mercantour après 4.600 m de dénivelé positif.
- "être moi-même" -
Bardet a passé la journée la mèche au vent, à se faire mal sur les routes sinueuses et jamais plates de l'arrière-pays niçois, dans une attitude offensive qu'il a si longtemps refoulée et qu'il laisse s'exprimer avant de prendre sa retraite en juin prochain.
Inconsolable à la fin d'une étape folle dont il a pris la 10e place, Bardet semblait avoir oublié qu'il venait de signer un Tour de France réussi dès le premier jour et une victoire à Rimini synonyme de maillot jaune.
Le deuxième du Tour 2016 s'est laissé envahir par une émotion qu'il semblait éviter depuis le début de sa dernière Grande boucle, se montrant serein au moment d'endosser la tunique jaune pour la première fois de sa carrière et presque timide dans le virage créé pour le célébrer dans le Cantal lors de la 11e étape.
Mais l'imminence des adieux à la course qui a jalonné sa vie ont fait remonter les émotions à la surface.
"Ma femme m'a dit +quand ce sera dur aujourd'hui, tu penseras à ton fils, à nous, tu as le droit de te faire plaisir une dernière fois, de tout donner+, parce qu'elle savait que ça me pesait depuis 10 ans d'aller sur le Tour chaque année, car j'avais du mal à être moi-même", a-t-il expliqué.
Lui même, Bardet l'a été samedi, d'abord sur son vélo, puis dans le flot d'émotions qui l'a saisi.
Longtemps présenté comme un coureur froid et méthodique alors qu'il avait centré les deux premiers tiers de sa carrière sur la conquête du classement général du Tour, le coureur de Brioude a fendu l'armure comme jamais auparavant.
Le leader de la Dsm-firmenich a tout connu dans le Tour, de ses deux podiums (3e en 2017) à plusieurs déconvenues, en passant par ses quatre victoires d'étape.
Il n'avait en revanche jamais craqué de la sorte. "13 ans de ma vie, et voilà c'est fini. C'est tellement dur", a-t-il admis après être arrivé 1 min 52 derrière le vainqueur du jour et du Tour, Tadej Pogacar.
"J'ai la chance de me faire rattraper par les meilleurs de ce Tour, je crois que c'est à l'image du train qui passe et de mon histoire qui s'arrête", a soufflé le deuxième de Liège-Bastogne-Liège au printemps.
- "C'est addictif" -
Parti dans un groupe de costauds à l'avant, Bardet s'est mêlé à la lutte avec les autres grimpeurs disposant encore d'un peu d'énergie dans la dernière ascension.
"Après, ça a été une lutte contre la petite voix dans la tête, avec les coups dans les jambes qui disent d'arrêter", a reconnu le grimpeur longiligne.
Quand Enric Mas et Richard Carapaz se sont isolés en tête, l'ancien d'AG2R s'est lancé à leur poursuite, parvenant à revenir avant d'être définitivement distancé par une énième attaque de l'Equatorien.
Il a ensuite vu revenir Pogacar et Vingegaard, s'accrochant un temps dans leurs roues, comme pour se rappeler ses plus grandes batailles, puis a laissé partir la nouvelle génération.
"C'est addictif, on se fait mal on prend des claques tous les jours mais on revient", a-t-il résumé.
Mais l'an prochain, Romain Bardet ne reviendra pas, déjà parti pour être lui-même dans sa vie d'après.
J.Alaqanone--DT