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Arrivés très jeunes de Bulgarie, les frères Tomi et Christo Popov se sont imposés comme les nouveaux espoirs du badminton français, qu'ils représentent aux Championnats d'Europe à Madrid à partir de mardi.
Au gymnase des Carabins de Fos-sur-Mer, non loin de l'épaisse fumée qui s'échappe des usines de la zone portuaire, les volants fusent au rythme des frappes de Tomi et Christo Popov.
C'est ici que les deux frères s'entraînent sans relâche, à raison de deux séances par jour sous le regard d'expert de leur père et entraîneur Toma.
Mais l'histoire commence à 1.500 kilomètres de distance pour la famille Popov, à Sofia, capitale de la Bulgarie. A la fin des années 1990, les membres de l'équipe nationale quittent un par un le pays, en pleine reconstruction après la chute du bloc soviétique.
"Economiquement, c'était compliqué, le pays était en train de passer d'un régime communiste à une démocratie", raconte Toma Popov. "Au début, c'était un choc, et les gens considéraient le sport comme un luxe."
Entraîneur de l'équipe nationale, il rejoint en 2003 son frère, parti représenter la France en double, puis s'installe avec sa femme et ses deux fils à Fos-sur-Mer, où le club lui propose de "construire un projet de haut niveau".
- A l'arrivée, "c'est la jungle" -
Tomi a alors cinq ans et demi, Christo quatre ans de moins. "On arrive dans un pays où on ne comprend rien", confie le grand frère. "J'entre en CP et c'est la jungle, on essaie de comprendre petit à petit."
L'apprentissage s'effectue rapidement, en même temps que Tomi et Christo s'affirment raquette en main, à force d'heures passées dans le petit gymnase aux murs bleus. Très vite, les deux frères impressionnent dans leurs catégories d'âge successives en France et en Europe.
En 2017, Tomi devient champion d'Europe junior en simple et en double, avant que son frère ne remporte également l'or en simple, en 2020. La même année, Christo devient aussi champion de France en simple, puis récidive deux ans plus tard en battant son frère en finale. Tomi gagne toutefois le double avec... son frère.
Dans le sillage des frangins, de nouveaux talents s'imposent sur les scènes nationale et européenne. "En simple homme, c'est une génération dorée", estime Fernando Rivas, responsable du projet senior de l'équipe de France.
Parmi elle figurent Arnaud Merklé, également champion d'Europe junior (2018) et champion de France (2021) à 22 ans, mais aussi Alex Lanier, seulement 17 ans, "qui a une trajectoire de performance comparable à celle de Tomi et Christo Popov" selon Thierry Soler, directeur de la performance sportive.
- Briser le plafond de verre français -
Les Espoirs français sont décomplexés, portés par les prouesses de la fratrie Popov. "Il n'y a plus ce blocage mental", analyse Christo. "Si je perds, ça veut dire que je ne suis pas bon, alors qu'avant c'était : +j'ai fait un quart de finale, youhou+."
Malgré de bons joueurs, la France a longtemps peiné à exister au niveau mondial, dans ce sport dominé très largement par les nations asiatiques et le Danemark.
Mais les N.30 mondiaux en double veulent rompre avec ce discours. "Quand on les affronte... C'est prenable !", relativisent-ils à l'unisson. "Comme on n'a jamais accès à ce genre de (grands) tournois, on se dit que c'est une montagne, mais finalement c'est abordable", affirme Tomi.
Avant de renverser l'ordre établi, les deux frères doivent être réguliers dans les performances afin de grimper dans la hiérarchie mondiale - Tomi, 23 ans, est pour le moment N.28 mondial, et Christo, 20 ans, N.56.
Ils ne comptent certainement pas s'arrêter là : "On n'a pas encore eu de grosses échéances, et on aimerait bien voir ce que ça donne. On est jeunes et affamés", clame Tomi.
Les frères Popov rêvent de médailles mondiales et olympiques, à Paris en 2024. Avant cela, ce sont les Championnats d'Europe qui les attendent à Madrid, où Tomi jouera dans les deux tableaux et Christo se contentera du double avec son frère.
A.Ansari--DT