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Peu de sportifs vivants inspirent autant de dévotion que le Japonais Yuzuru Hanyu, dont les fans scrutent les moindres faits et gestes, dépensent des fortunes pour le voir patiner et, pour certains, vont jusqu'à le comparer au Christ ou à Bouddha.
"Il est fort et charismatique mais il dégage une impression d'éphémère", poétise Yumi Matsuo, 46 ans, l'une des supportrices les plus ferventes de Yuzuru Hanyu, qui visera un rarissime troisième titre olympique consécutif à Pékin (4-20 fév).
"C'est comme s'il pouvait disparaître à tout moment", ajoute-t-elle.
Cette professeure d'arts plastiques de Niigata (nord-ouest du Japon) a déjà réalisé de nombreuses oeuvres d'art représentant son idole, dont une statuette en bois qu'elle a sculptée "avec un sentiment similaire à celui de faire une statue du Christ ou de Bouddha".
Son idole a apporté "de la lumière et de la couleur" dans sa vie, confie-t-elle.
Yumi Matsuo est une "fanyu" (mot-valise formé par fan et Hanyu) et fait partie de cette légion, très féminine, des admirateurs acharnés du phénomène du patinage artistique.
L'une de leurs traditions est de déverser une pluie de peluches de Winnie l'ourson sur la glace après chaque prestation de leur idole: un rituel né de l'habitude du patineur, aussi gracieux que filiforme, d'avoir toujours avec lui une boîte de mouchoirs frappée d'une image de ce personnage pour enfants.
- Pleuré d'émotion -
Comme les JO de Pékin se dérouleront à huis clos, les "fanyus" seront rivés devant leurs petits écrans. Beaucoup d'entre eux sont des femmes japonaises d'âge moyen mais il y en a aussi dans le monde entier.
Mijeanne van der Merwe, une Sud-Africaine de 26 ans vivant en Allemagne, ignorait tout du patinage artistique avant de tomber à la télévision sur Hanyu lors des JO-2018 de Pyeongchang.
"Dès la première note, j'étais accro: son expression, la façon dont il se tenait, la manière dont il réalisait son programme", raconte-t-elle à l'AFP.
Après en avoir pleuré d'émotion, elle s'est mise à suivre les compétitions de Hanyu "le plus possible".
Elle n'a vu son héros en vrai que lors de spectacles, car la demande pour ses compétitions est tellement grande que les billets sont vendus par tirage au sort.
C'est une "bataille" pour en gagner, regrette Yumi Matsuo.
- Culte parfois oppressant -
La plupart des "fanyus" sont "vraiment des gens sympathiques", estime-t-elle, tout en admettant avoir eu des problèmes par le passé à cause de l'intolérance régnant dans des groupes de supporters.
D'autres aussi disent éprouver un certain malaise dans ce milieu. Yuzuru Hanyu "a probablement un million de fans au Japon, donc j'ai peur d'être une personne de cette population qui va répondre à des questions", témoigne une Japonaise de 64 ans souhaitant rester anonyme.
"Des gens pourraient s'intéresser à la personne qui s'est exprimée publiquement sur le sujet, donc ça fait peur. Tout le monde n'a pas la même opinion", ajoute cette femme.
Loin du Japon, Mijeanne van der Merwe dit ne pas ressentir de telles craintes quand elle évoque sa passion pour Hanyu.
Elle se lève en pleine nuit pour suivre ses compétitions, discute en ligne avec d'autres fans dans le monde entier et achète des magazines et des livres japonais sur son idole.
"Bien sûr, il est très beau mais, pour moi, il aurait pu être la personne la plus laide du monde", assure-t-elle. "C'est son dévouement pour son art, son sport, qui m'a séduite (...), la difficulté technique, son air de faire paraître tout cela aussi facile".
S'il remportait l'or à Pékin, Hanyu, 27 ans, deviendrait le premier patineur artistique à réaliser un triplé olympique depuis le Suédois Gillis Grafström il y a près d'un siècle.
Il s'agira aussi très probablement de sa dernière apparition aux JO.
Yumi Matsuo est persuadée qu'aucun autre patineur après lui ne suscitera une telle ferveur. "Je suis vraiment heureuse de vivre à cette époque pour pouvoir le soutenir".
A.Krishnakumar--DT