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Les conditions de travail des agents de sécurité au Qatar, "y compris dans des projets liés à la Coupe du monde de football 2022", sont comparées à du "travail forcé" par l'ONG Amnesty International, les autorités insistant elles sur les "progrès" réalisés.
Critiqué depuis qu'il s'est vu attribuer en 2010 la première Coupe du monde dans un pays arabe, le Qatar a mené d'importantes réformes, abolissant le système de parrainage faisant des salariés des quasi propriétés de leur employeur et instaurant un salaire minimum horaire.
Outre le secteur de la construction, dans lequel le quotidien britannique The Guardian parlait d'"esclavage moderne" en 2013, les conditions de travail ont été améliorées dans les services, particulièrement l'hôtellerie.
"Mais ces promesses ne se sont pas encore pleinement matérialisées dans le secteur de la sécurité", estime Amnesty International dans un rapport, alors que des milliers d'agents doivent être recrutés d'ici au Mondial-2022 du 21 novembre au 18 décembre, quand entre 1,2 et 1,4 million de personnes visiteront l'émirat.
Trente-quatre employés, actuels et anciens, de huit sociétés de sécurité privées, des travailleurs migrants originaires principalement du Kenya et d'Ouganda, y décrivent des journées de travail de plus de douze heures, sept jours sur sept (soit 84 heures par semaine), parfois sans ombre ou eau potable durant les mois les plus chauds.
Pourtant, la loi qatarie prévoit un maximum de 60 heures de travail hebdomadaires et un jour de repos, le minima fixé par l'Organisation internationale du travail (OIT).
- "Tu ne peux pas te plaindre" -
Ceux qui prennent ce congé ou un arrêt maladie "risquent (...) des retenues arbitraires sur leur salaire", affirme Amnesty International, qui dénonce également des amendes pour des pauses prises pendant la journée et des heures supplémentaires insuffisamment payées.
Sans la possibilité légale d'être défendu par un syndicat, "tu ne peux pas te plaindre, sinon tu es licencié et expulsé", commente l'un des employés interrogés entre avril 2021 et février 2022.
Les conditions de travail et les salaires varient aussi selon l'origine, les travailleurs d'Afrique subsaharienne étant les plus maltraités, assurent les agents de sécurité, dont une grande partie ajoute avoir vécu dans des logements "surpeuplés et insalubres".
"Les lois qatariennes sur (leur) temps de travail sont claires mais trop souvent violées", confirme l'OIT. "Les heures supplémentaires sont autorisées mais doivent être volontaires, limitées et mieux payées, comme la loi le stipule."
"Alors que le gouvernement a la responsabilité de faire respecter la loi, les clients qui font appel à des sociétés de sécurité doivent également faire les vérifications nécessaires et surveiller le traitement des gardes, y compris leurs horaires de travail et leurs conditions de vie", rappelle l'organisation.
Les migrants interrogés ont notamment travaillé pour des entreprises engagées pendant des tournois de la Fifa au Qatar, Coupe du monde des clubs et Coupe arabe, en 2021.
- "Mesures punitives" -
"Malheureusement, trois entreprises se sont avérées ne pas être en conformité dans un certain nombre de domaines", admet le Comité suprême d'organisation du Mondial-2022 dans un communiqué, suite à la publication de ce rapport.
Ces violations "ont conduit à l'application d'une série de mesures, notamment la mise sous surveillance ou sur liste noire de certains prestataires (...) avant de les signaler au ministère de Travail pour une enquête plus approfondie et des mesures punitives".
"Le Qatar a pris des mesures immédiates pour remédier aux cas particuliers d'actes répréhensibles", assure ce ministère. Selon lui, "la prévalence des entreprises qui enfreignent les règles a et continuera de diminuer".
Ainsi, d'après le Comité suprême, 391 prestataires ont été signalés au ministère, 50 interdits de travailler sur des projets liés au Mondial et 56 démobilisés, 226 ont été placés sous surveillance et 7 "blacklistés".
Le ministère du Travail, qui "encourage les travailleurs étrangers à porter réclamation lorsqu'ils soupçonnent qu'une loi a été enfreinte", assure que 24 agences de recrutement "ont été fermées et ont vu leurs licences révoquées le mois dernier".
Il précise également que 96% des "travailleurs éligibles" sont désormais protégés grâce à un système mis en place fin 2015 pour contrôler le versement des salaires.
A.Murugan--DT