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"On est le plus grand service médical du Maroc aujourd'hui!", lance le responsable des "Doc Trotters", aux petits soins pour les pieds des 800 concurrents du Marathon des Sables encore en course jeudi, après la vague d'abandons trois jours auparavant.
Le soleil juste levé, une file impressionnante de coureurs serpente déjà devant la tente du service médical. La veille a été donné le départ de l'étape la plus longue de ce Marathon, soit 86 km à travers le Sahara, dont le sable et les gros cailloux martyrisent les pieds.
Certains s'en sont remis aux soignants tout juste la ligne franchie après une journée et une nuit de périple, au sixième jour de course.
A l'entrée, un tri est opéré: les plus fringants soignent eux-mêmes leurs pieds sous la surveillance d'un podologue qui leur remet un kit. "Oh la la, c'est pas beau du tout ça ! On va percer et après on verra si tu vas à la clinique ou pas. Et tu la perces, tu ne l'arraches pas", prévient avec bienveillance le podologue Thomas Colmerauer, qui espère bien passer de l'autre côté en 2024. "Après ce sera moi à pousser des 'Whoooah'".
La clinique, c'est la tente suivante, à laquelle on accède après avoir nettoyé ses pieds avec de l'eau bétadinée. Un jeu de fléchettes dans un coin, une bonne musique d'ambiance assurée par un soignant/DJ, et les concurrents offrent leurs pieds, non sans serrer les dents.
- Risque d'infection -
Allongés sur le sol, les demi-jambes sur un tabouret, les uns se tortillent à l'approche de la compresse quand d'autres jouent la zénitude.
"J'ai peur, j'ai peur", s'angoisse une Britannique en voyant une seringue chargée d'éosine. La soignante la rassure en tapotant par petites touches la plaie à vif.
Les ampoules, c'est le lot quotidien des Doc Trotters, soit 57 bénévoles sur cette édition.
"On est là aussi pour réconforter les coureurs pour qu'ils puissent aller au bout de leur expérience. On essaie de résoudre leurs problèmes, on leur donne de la force", explique l'infirmier Nick, connu sous le nom de Nick L (en référence à tous les 'Nickel' qu'il reçoit à la fin des soins).
"Ici, c'est du sable de farine, tous les coureurs portent des guêtres mais même avec ça, le sable arrive à entrer et ça augmente le risque d'infection", poursuit le soignant engagé depuis 10 ans.
L'ambiance est joyeuse, voire taquine. "Attention, elle est très sadique", glisse dans un sourire une infirmière à la patiente de sa collègue. Les corps se relâchent, les esprits se détendent. Presque tous pensent à la dernière étape du classement général, les 42 km de vendredi.
- 300 soins en une journée -
Dans une tente voisine, on veut croire aussi que la partie n'est pas finie. Une dizaine de brancards accueille des coureurs aux pathologies plus importantes, dans une atmosphère apaisante.
François Guisset craque. Arrivé à 3 heures du matin jeudi, il a fait une hypoglycémie. Allongé, les larmes aux yeux, il s'inquiète pour sa femme toujours en course. Emma Guisset arrivera sept heures plus tard. Le couple sera au départ vendredi.
Blême, un participant se met à vomir. Il souffre de gastroparésie. "Avec l'effort, l'estomac ne fait plus son travail. On va le perfuser pour éviter que la déshydratation n'affecte d'autres organes comme les reins", commente le +doc+ en chef, Frédéric Compagnon, qui n'a pas oublié la journée de lundi.
Avec une température grimpant à 37 degrés et une tempête de sable, la déshydratation a touché une cinquantaine de coureurs, contraints d'abandonner.
La tente médicale avait des allures d'hôpital d'urgence, les perfusions s'enchaînaient, les concurrents semblaient être au bout de leur vie et pourtant la plupart n'avait qu'une question à la bouche: "Est-ce que je vais pouvoir repartir ?".
Jeudi, 300 soins ont été prodigués sur les quelque 800 concurrents.
J.Chacko--DT