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Le Poggio ou la Cipressa ? L'attaque attendue dans les derniers balcons du parcours de Tadej Pogacar, le nouveau Cannibale du peloton, réinvente le mythe de Milan-Sanremo, la "classicissima" qui se jouera samedi autant dans les montées que dans les descentes.
"Passer à l'attaque à partir de la Cipressa, c'est peut-être faisable", a prévenu Pogacar, interrogé après sa victoire imparable dimanche dans Tirreno-Adriatico. Le jeune Slovène (23 ans) s'amuse à brouiller les cartes, à mettre sous pression ses adversaires. D'autant qu'il peut attaquer à n'importe quel moment, en montée en raison de son punch dévastateur, mais aussi en descente. "Divers scénarios sont possibles", a-t-il confirmé jeudi.
Dans la Cipressa, ses 5650 mètres à 4,1 % de pente jusqu'au sommet distant de 22 kilomètres de la ligne, ou dans le Poggio, long de 3700 mètres seulement (à 3,7 %) mais plus proche de l'arrivée (5,7 km), le jump et la force prédominent. Dans les descentes, la technique et la lucidité priment.
"Après 280 kilomètres, le coureur qui est fatigué en haut du Poggio n'a plus les mêmes réflexes pour descendre sur Sanremo. C'est plus important que la montée", estimait Eddy Merckx, sept fois vainqueur sur la Via Roma entre 1966 et 1976 alors que la Cipressa, empruntée pour la première fois en 1982, ne figurait pas encore sur le parcours.
Le propos, rapporté par Laurent Galinon dans son récent livre Classiques (éditions Hugo Sport), restitue l'importance du Poggio, cette route en serpentin entre les serres horticoles qui change d'âme un jour par an, pour devenir la colline sacrée du cyclisme. A la télévision, le spectacle est immuable.
- "Un peu abruti par les kilomètres" -
"La moto caméra de la RAI frôle les coureurs, rafle les murets et évite les spectateurs", écrit l'auteur. "La mise au point est bancale, l'image saccadée, le récit syncopé, comme la cadence du cœur des tifosi qui hurlent, au bord de la route, leur amour pour le cyclisme."
Le scénario est-il donc écrit ? Rien n'est certain. Au XXIe siècle, les attaquants (Kwiatkowski, Nibali, Alaphilippe, van Aert, Stuyven) ont certes succédé aux sprinteurs (Zabel, Cipollini, Petacchi, Freire, Cavendish, Kristoff, Degenkolb, Démare), souvent victorieux sur la Via Roma. Mais l'histoire de la "classicissima" témoigne d'une succession de cycles, favorables tantôt aux uns tantôt aux autres.
Vérité immuable, la fatigue se fait sentir après quelque 280 kilomètres et la tension grandissante sur la large route du bord de mer pour éviter la chute ou l'accident. "On est un peu abruti par les kilomètres, on n'a plus les mêmes réflexes", avouait en son temps Laurent Jalabert.
Adroit, enclin aux coups d'audace par son tempérament qui pourrait l'inciter à faire une première sélection dans la descente pentue (6,9 %), rapide et tortueuse de la Cipressa, Pogacar a pour handicap une expérience limitée à sa seule participation, en août 2020, en pleine reprise post-covid. Le futur double vainqueur du Tour de France avait rallié l'arrivée au sein du premier peloton (12e), seulement précédé par le duo van Aert/Alaphilippe qui avait pris les devants, dans le Poggio.
C'est là que la course s'est dénouée ces dernières années, après le passage devant le sanctuaire de la Guardia. A cet endroit, la pente est la plus prononcée, à 1500 mètres de la cabine téléphonique qui marque la fin de l'ascension et le début de la plongée vers la cité des fleurs. Il ne reste plus alors que la descente (aux six épingles) puis 2200 mètres de plat, rectilignes hormis un "s" après le passage sous la flamme rouge, pour rejoindre l'arrivée.
A.Padmanabhan--DT