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Avec de moins en moins de munitions et de nourriture, et des conditions de vie extrêmes, les derniers combattants ukrainiens retranchés dans l'usine Azovstal luttent toujours au moment où l'armée russe resserre son emprise sur cette dernière poche de résistance à Marioupol (sud-est).
Des détails sur la vie à l'intérieur et les combats en cours ont été donnés par Ievguenia Tytarenko, infirmière militaire, dont le mari, membre du régiment Azov, et ses collègues sont toujours dans l'usine.
"De nombreux soldats se trouvent dans un état grave. Ils sont blessés et n'ont pas de médicaments", explique Ievguenia, qui a pu maintenir le contact avec ses proches à l'intérieur. "La nourriture et l'eau manquent aussi", dit-elle.
"Je me battrai jusqu'au bout", lui a écrit son mari, Mykhaïlo, dans un SMS que l'AFP a pu consulter.
Depuis plusieurs semaines, Marioupol est presque entièrement sous contrôle des Russes. Seule lui échappe l'immense aciérie Azovstal que l'armée russe pilonne sans relâche, en plus d'attaques importantes au sol à l'origine de violents combats.
"Les combattants ont déjà fait leurs adieux à leur femme. L'un d'entre eux a dit à sa femme: +Ne pleure pas, on rentrera à la maison quoiqu'il arrive: vivant ou mort+", raconte Ievguenia, 34 ans.
Selon elle, la possibilité de les voir évacués est très mince.
L'infirmière décrit une situation chaotique à l'intérieur des tunnels de l'usine, les soldats combattant tout en acheminant civils et cadavres à travers le dédale de galeries souterraines datant de l'époque soviétique.
Les morts ont été emballés dans des sacs en plastique et pourrissent faute de systèmes de réfrigération. Mais les membres du régiment Azov ne veulent surtout pas qu'ils tombent entre les mains des forces russes.
"Presque partout, ils transportent des cadavres avec eux", explique-t-elle. "Ils méritent d'être évacués", ajoute-t-elle, "ceux qui sont vivant, les blessés et les morts".
Samedi, Kiev a annoncé que toutes les femmes civiles, tous les enfants et personnes âgées qui se terraient avec les soldats avaient été évacués, faisant naître des question sur le sort qui attend désormais les soldats.
- Jambe amputée -
Ievguenia a fui Marioupol dès le 24 février, le jour de l'invasion russe, alors que cette grande ville portuaire du sud se faisait déjà bombarder.
Elle venait deux jours avant de se marier avec Mykhaïlo, lui aussi infirmier militaire, qui a poussé son épouse enceinte à quitter la ville dès les premiers combats.
Depuis, d'autres infirmiers ont construit un hôpital de fortune à l'intérieur du vaste complexe métallurgique Azovstal, après que les Russes eurent visé les hôpitaux de la ville, selon Daviti Suleimanachvili, un Géorgien membre du régiment Azov.
Ce bataillon a été créé en 2014 au début du conflit contre les prorusses du Donbass par des militants d'extrême droite avant d'être rapidement intégré à la Garde nationale.
Daviti dit avoir été traité dans cet hôpital en mars après avoir été blessé par un tir de tank lors d'un combat de rue à Marioupol.
Sa jambe gauche y a été amputée.
"C'est très dur de soigner dans ces conditions", dit-il à l'AFP par téléphone, décrivant sur place le manque d'installations sanitaires de base, d'équipement médical et de chauffage.
Il a été évacué d'Azovstal par les airs, dans un scénario digne de Hollywood: trois hélicoptères ukrainiens ont réussi à déjouer les missiles russes pour transporter plusieurs blessés.
"C'était un miracle", raconte-t-il. "Je n'avais vu ça que dans des films !".
- Dernier baroud d'honneur -
Malgré l'horreur sur le site d'Azovstal, certains trouvent insupportable d'être à l'extérieur.
Rolana Bondarenko, une femme de 54 ans, a une douzaine d'amis parmi les membres du régiment Azov toujours présents. Avec son fils, elle a été une des premières à rejoindre le bataillon en 2014.
Depuis, Rolana a appris que son garçon avait été tué mi-avril.
"Ils l'ont mis dans un sac noir et son corps pourrit", dit-elle à l'AFP par téléphone depuis l'Allemagne où elle habite depuis un an pour des raisons médicales.
"Et ce n'est pas uniquement lui qui est dans son cas. Il y en a des centaines !".
Mais même après la perte de son fils, Rolana continue de soutenir ardemment les derniers combattants ukrainiens qui font face à la puissance de feu de l'artillerie et des avions russes, dans ce qui ressemble à un dernier baroud d'honneur.
Tous les jours, elle envoie des textos agrémentés d'émoticônes pour remonter le moral des troupes, qui, de leur côté tentent de la ménager en évoquant leur fierté et leur résilience plus que leurs souffrances.
Certains ont perdu "entre 15 à 20 kilos", alors que la nourriture manque cruellement, alerte Rolana. "J'aimerais être à leurs côtés en ce moment", ajoute-t-elle entre deux sanglots.
"Si je mourais là-bas, ce serait auprès de ma famille".
H.Yousef--DT