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Avant même que le retrait du président Biden ne lui ouvre les portes de la course à la Maison blanche, la vice-présidente américaine Kamala Harris s'est érigée en défenseure intraitable des droits à l'avortement, un positionnement qui pourrait désormais s'avérer décisif en novembre prochain.
"Nous mettrons fin à l'extrémisme de Donald Trump pour interdire l'avortement car nous savons que les femmes doivent prendre les décisions qu'elles souhaitent concernant leur corps, sans que le gouvernement n'ait son mot à dire!", a affirmé lors d'un meeting de campagne, plus tôt dans la semaine, la désormais candidate possible du Parti démocrate.
Deux ans après que la majorité conservatrice à la Cour Suprême, issue des récentes nominations de l'ancien président républicain, a mis fin à la protection fédérale du droit à l'avortement, la candidature d'une militante sincère de la cause pourrait mobiliser les électeurs progressistes en faveur des démocrates, de quoi faire la différence dans un scrutin qui s'annonce indécis.
Un combat qui ne date pas d'hier pour Mme Harris: alors membre du parquet général de Californie, elle avait combattu les pratiques trompeuses des militants anti-avortement. Et en tant que sénatrice, elle s'était montrée très critique du juge Brett Kavanaugh, lors de son audition de confirmation avant sa nomination à la Cour Suprême.
De quoi se démarquer de Joe Biden, qui s'est toujours montré prudent sur le sujet, rappelant régulièrement son éducation catholique pour justifier de sa gêne sur le sujet.
Lors de son discours sur l'état de l'Union devant le Congrès, en début d'année, M. Biden s'était éloigné de ses notes, préférant les termes "droits reproductifs" ou "liberté de choix" plutôt qu'"avortement".
- "Elle sait de quoi elle parle" -
Lors de son entrée au Sénat, en 1973, Joe Biden avait estimé que la Cour Suprême était "allée trop loin" en statuant en faveur d'une protection fédérale du droit à l'avortement, dans le célèbre arrêt "Roe contre Wade", et avait encore décrit en 2006 la procédure médicale comme étant "toujours un tragédie" et "pas nécessairement un choix et un droit".
Si sa position a évolué depuis, les défenseurs de l'avortement ont toujours considéré que le président américain était réticent à pleinement s'inscrire dans leur cause.
"Ce qui rend Mme Harris dangereuse pour Donald Trump sur la question de l'avortement est que, contrairement à lui, elle sait de quoi elle parle et elle peut canaliser la colère des électrices", a ainsi estimé l'auteure féministe Jessica Valenti, interrogée par l'AFP.
"Je ne crois pas que les gens comprennent clairement à quel point les femmes sont en colère lorsque +Roe+ a été infirmé. Et Mme Harris a la possibilité de capitaliser là-dessus", a-t-elle ajouté.
Sur la question spécifique de l'avortement, Kamala Harris dispose de 12 points d'avance sur M. Trump, selon un sondage YouGov réalisé dans la semaine, une marge bien supérieure aux 5 points dont disposait Joe Biden début juillet.
Bien que Mme Harris ne soit pas encore formellement désignée, le groupe pro-avortement "Liberté reproductive pour toutes" s'est pleinement engagée à ses côtés, estimant dans un communiqué, par la voix de sa dirigeante Mini Timmaraju, que "personne ne s'est autant battu pour garantir le droit et l'accès à l'avortement" que Mme Harris, "nous sommes fiers de la soutenir".
- "Période de grâce" -
Côté républicain, J.D. Vance, le candidat à la vice-présidence, a clairement affirmé sa volonté d'"interdire nationalement" l'avortement, là où Donald Trump tente de ménager la chèvre et le chou.
"Il est radical, il personnifie l'extrémisme républicain sur l'avortement", estime Mme Valenti.
"Avoir M. Vance à ses côtés va compliquer les choses pour Donald Trump s'il souhaite se présenter comme modéré sur le sujet", a souligné Marc Trussler, chercheur en sciences politiques à l'Université de Pennsylvanie.
Selon lui, "le message de Mme Harris passe clairement mieux" que celui de Joe Biden.
En revanche, il est trop tôt pour savoir si le sujet, qui a offert des victoires locales aux démocrates, peut peser sur l'élection, a estimé M. Trussler.
"Nous sommes dans la période de grâce de la candidature de Mme Harris", a-t-il souligné, rappelant qu'elle n'a pas encore eu à se positionner sur des sujets clivants au sein même de son parti, comme le conflit à Gaza ou la réforme du système pénal américain.
R.El-Zarouni--DT