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Biljana Cicic-Stanic tremble encore lorsqu'elle repense à la douleur, à la violence et à l'humiliation qu'elle a ressenties au moment de donner naissance à son fils. Un accouchement malheureusement banal dans les hôpitaux de Serbie, où la parole commence tout juste à se libérer.
Dans son salon de Novi Sad (nord), elle raconte le temps passé seule en salle d'accouchement, alors que le travail avait commencé.
Quand les soignants sont arrivés, ils l'ont sanglée au lit, puis les infirmières ont appuyé sur son ventre - "l'expression abdominale", une pratique, interdite en France depuis 2007, qui consiste à appuyer violemment sur le ventre d'une femme en train d'accoucher pour aider à l'expulsion du bébé.
Dans ses oreilles, les insultes de l'équipe médicale résonnent encore.
"Tout était si violent. Ils vous mettent dans un lit, vous obligent à rester immobile, pendant que quelqu'un vous ouvre violemment le col, perce votre membrane et vous dit de vous taire".
Un récit tristement familier en Serbie, où les violences obstétricales sont monnaie courante, fruit d'un mélange de valeurs patriarcales profondément enracinées et d'une législation qui peine à protéger les femmes.
La question a fait la une des journaux début 2024, lorsque Marica Mihajlovic, une femme d'origine Rom, a publiquement accusé son obstétricien de lui avoir "sauté sur le ventre", et d'avoir proféré des insultes racistes pendant son accouchement.
Sa fille est décédée peu après - une mort causée par "un accouchement violent", selon la mère.
Leur histoire a déclenché un torrent d'indignation, des manifestations, et poussé des milliers de femmes à parler.
"Tout le monde a une tolérance différente à la douleur", a balayé la ministre de la Santé serbe, Danica Grujicic.
- 'Hystérique' -
Selon une étude parue en 2022 et fondée sur des centaines de témoignages, les femmes serbes sont régulièrement victimes de violence dans les maternités - qu'il s'agisse d'expression abdominale, d'actes réalisés sans consentement...
Insultes, cris et humiliations sont aussi fréquents, selon cette étude. Jusque dans la plus grande clinique obstétrique de Belgrade.
"Souvent, les soignants agissent contre la volonté des patientes", écrivent les auteurs du rapport. "Les patientes sont attachées avec des sangles si elles se plaignent de la douleur, et après l'accouchement, les épisiotomies sans anesthésie sont courantes".
Les femmes qui avortent sont elles aussi soumises à des traitement dégradants - "laissées seules, obligées d’avorter dans leur lit", parfois dans des chambres qu'elles partagent avec des femmes enceintes.
Biljana Brankovic, 37 ans, en a fait l'amère expérience.
En 2021, cette habitante de Belgrade a du interrompre sa grossesse à 24 semaines, après la découverte de très graves malformations sur le foetus.
Mais une fois à la clinique, l'équipe médicale l'a ignorée - trop occupée à regarder la télévision, raconte-t-elle à l'AFP. "Arrêtez d'être hystérique !", lui a-t-on dit lorsqu'elle a appelé à l'aide.
"Dix minutes plus tard, j'ai senti les contractions. Seule, sans personnes autour. Ni infirmier, ni docteur".
"J'ai hurlé pendant 10 minutes", ajoute-t-elle. "Mais je n'avais aucun intérêt pour eux, puisque mon enfant était mort".
L'équipe médicale lui a ensuite fait un curetage sans anesthésie, qui l'a rendue stérile, selon trois rapports médicaux.
- 'Peur' -
Une gynécologue a bien voulu parler à l'AFP, sous couvert d'anonymat - et reconnu les problèmes soulevés par le rapport. Tout en affirmant que la plupart des médecins "font bien leur travail".
"Les hôpitaux doivent documenter les cas d'abus. La responsabilité incombe à ceux qui dirigent les institutions, et ne sanctionnent personne lorsque des erreurs ont lieu en salle d’accouchement", dit-elle.
Mais sans aucune réforme en vue, et le désintérêt d'une partie de la classe politique, les femmes serbes qui veulent un enfant n'ont d'autre choix que la peur.
Sladjana Spasojevic, dont le terme est prévu dans quelques semaine, ne sait toujours pas où elle veut accoucher. Les souvenirs de la naissance de son premier enfant la hantent encore.
"Ma plus grande peur, c'est que je ne sais pas où aller. J'ai peur d'aller à l’hôpital, et de finir avec le même médecin".
I.Khan--DT