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Avec la multiplication des demandes de dons pour des procréations médicalement assistées (PMA) et la levée de l'anonymat des donneurs, une "opération de solidarité" s'organise entre banques de sperme, la première ayant lieu mercredi entre Rennes et Lille, pour "optimiser" les stocks.
Au Cecos (Centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme hulmain) de Rennes, dans une annexe du CHU, la biologiste Ségolène Veau balaie du regard une salle où ronronnent une dizaine de grandes cuves en aluminium. "Il y a au moins un milliard de spermatozoïdes", s'exclame-t-elle.
Tous doivent être utilisés avant le 31 mars 2025, date à laquelle une loi permettant à toute personne conçue par don de gamète de connaître l'identité du donneur alors que l'anonymat était jusque-là la règle, signale-t-elle.
Or, le Cecos de Rennes, "premier de France en terme de quantité de paillettes" --ces fins bâtonnets conservés dans l'azote et qui contiennent chacun entre 0,5 et 15 millions de spermatozoïdes-- est "excédentaire" en dons.
Au-delà du 31 mars 2025, s'ils ne sont pas utilisés, le Cecos de Rennes devra les détruire car ils ne seront plus conformes à la loi, étant issus de donneurs anonymes.
Afin d'éviter ce "gâchis", le Cecos de Rennes, sous la supervision de l'Agence de la Biomédecine, va donc donner 1.100 paillettes au Cecos de Lille, qui est lui "déficitaire", explique le professeur Marc-Antoine Belaud-Rotureau, chef du service de cytogénétique au CHU de Rennes.
Ce transfert, le premier en France, préfigure "une gestion nationale: les dons sont très précieux (...) on fait en sorte d'optimiser les dons afin de prendre en charge le plus de patients possible" dans le cadre de PMA, développe-t-il.
Il s'agit d'"une opération de solidarité" au cours de laquelle le Cecos de Rennes enverra 8.000 paillettes vers d'autres centres déficitaires comme Brest, Nantes ou encore Nancy, fait valoir Véronique Anatole-Touzet, directrice du CHU de Rennes.
"Il faut absolument qu'on ait des dons de sperme (...) On parle des dons de sang, d'organes mais on parle moins du don de sperme, alors qu'il y a une demande médicale, sociétale qui est considérable", insiste Mme Anatole-Touzet.
- Trouver des donneurs -
A côté du Dr Veau, un collègue en blouse blanche ouvre avec précaution une des cuves en aluminium d'où s'échappe un nuage d'azote liquide. Muni d'une pince, il saisit un gobelet rempli d'une centaine de paillettes cryogénisées et les place délicatement dans deux petites cuves.
De la taille d'un bidon d'essence mais très lourdes et remplies de ce gaz potentiellement mortel pour l'homme, elles partiront pour Lille mercredi, par camion.
Même si le Cecos de Rennes est le mieux loti de France en termes de dons, ces derniers ne sont pas suffisants pour faire face à la demande de PMA, signalent le Dr Veau et le professeur Belaud-Rotureau.
Alors que l'infertilité grandit en France, la loi de bioéthique du 2 août 2021 permet désormais aussi aux couples de femmes ou aux femmes seules d'avoir recours à la PMA.
"Une évolution sans précédent", estime l'Agence de la Biomédecine, dans un communiqué.
Les demandes de PMA ont été multipliées par sept au niveau national et par huit à Rennes, selon les professionnels du Cecos de Rennes.
Les dons, eux, n'ont fait que doubler, retrouvant leur niveau d'avant la pandémie de Covid, soit "30 à 40 dons" par an. Impossible, donc, de satisfaire la demande pour des PMA: chaque insémination demande 3 à 4 paillettes.
"Le recrutement des donneurs reste un sujet extrêmement sensible (...) car les gamètes ça ne se fabrique pas, ça dépend uniquement d'un acte de générosité", rappelle le Dr Veau.
Avec les 1.100 paillettes données par Rennes, entre 300 et 400 femmes pourront bénéficier d'une PMA aurès du Cecos de Lille, signalent les professionnels. Et, en attendant, ce centre pourra engranger plus de dons de sperme et renforcer son stock de paillettes.
J.Chacko--DT