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Qui a déjà entendu parler des groupes "Bombay" ou "Vel négatif"? Ce ne sont pas des formations musicales mais des sangs rares, dont les donneurs sont essentiels pour répondre à la diversité des besoins, qui dépassent les seuls groupes A, B ou O.
Si le sang semble identique, les groupes sanguins présentent de nombreuses différences en fonction des individus et de leur bagage génétique.
Au-delà des groupes sanguins A, B, AB, ou O, et du caractère Rhésus + ou -, il existe 390 différents autres "marqueurs", appelés antigènes.
Certains sont fréquents, d'autres un peu moins. Et certains peuvent être exceptionnels, comme ceux appelés "Bombay" (une personne sur un million en Europe), "Rhésus null" (une cinquantaine d'individus dans le monde) ou "Vel négatif" (1 sur 2.500 en France).
"On dit d'un groupe sanguin qu'il est rare quand il lui manque l'un des 390 marqueurs présents dans 99% de la population générale", explique à l'AFP Thierry Peyrard, directeur du département national de référence en immuno-hématologie et sang rare à l'Etablissement français du sang (EFS).
Un groupe sanguin est ainsi considéré comme rare lorsque moins de 4 personnes sur 1.000 le possèdent.
- 18.000 donneurs -
Comment cette rareté s'explique-t-elle ? La spécificité d'un groupe sanguin pour une région géographique donnée est le fruit d'une adaptation de l'humain à son environnement, qui a façonné ses caractéristiques génétiques au fil des siècles.
En Afrique, berceau de l'humanité, la diversité génétique est la plus importante au monde. Certains groupes sanguins ne sont ainsi présents que chez des personnes d'origine africaine ou caribéenne.
En France, entre 700.000 et 1 million d'individus seraient porteurs d'un sang rare, sans forcément le savoir.
On peut repérer un de ces porteurs par hasard, lors d'un bilan avant transfusion ou d'un don classique.
En cas de transfusion, ces personnes doivent recevoir un sang le plus proche possible du leur, une incompatibilité pouvant provoquer leur décès.
"Nous avons besoin d'un maximum de diversité de donneurs pour pouvoir assurer la transfusion de tous les patients", souligne Thierry Peyrard, alors que l'EFS lance lundi sa troisième semaine de sensibilisation aux groupes sanguins rares.
Un registre national des porteurs de ces groupes recense en France environ 18.000 donneurs.
"Quand les délais le permettent, on peut convoquer un donneur présentant le même sang rare qu'un patient en attente, pour le prélever, en vue d'une transfusion", explique Thierry Peyrard.
Mais quand il faut "répondre vite à la demande", des poches stockées au sein de la Banque nationale de sang et de phénotype rare, située en région parisienne, peuvent être décongelées.
- Exporter -
"Avec environ 8.300 poches congelées, nous avons la chance d'avoir la plus grosse banque au monde et la plus diversifiée", relève Thierry Peyrard. "Nous sommes d'ailleurs régulièrement sollicités par nos collègues européens ou pour exporter du sang aux Etats-Unis, au Canada, ou même en Australie ou au Japon".
Les besoins sont particulièrement vifs pour la drépanocytose, maladie du sang qui touche surtout des personnes d'origine africaine ou antillaise et nécessite des transfusions périodiques.
Laëtitia Defoi, 33 ans, Martiniquaise, en est atteinte. Depuis quelques mois, elle est traitée par échange transfusionnel, une procédure consistant à remplacer des globules rouges malades par des globules sains. "Jusqu'à présent, j'ai toujours eu la chance de trouver un donneur compatible mais, chaque mois, j'ai la crainte qu'il n'y en ait pas", raconte-t-elle à l'AFP.
"Sans ces donneurs, je n'aurais pas pu être enceinte, allaiter, me remettre d'une crise particulièrement aiguë. Ma vie ne serait pas la même", poursuit cette jeune mère, qui tente de sensibiliser de nouveaux donneurs sur son compte Instagram.
Yasser Osman-Ali, 28 ans, est l'un d'eux. Poussé à donner son sang par son père, ce Marseillais qui a des origines au Maroc, aux Comores et au Yémen, a fait le geste pour la première fois en 2020.
"On m'a dit que j'avais un sang rare, que c'était très recherché, cela m'a motivé encore plus", assure le jeune homme, devenu donneur régulier. "J'aurais continué à donner de toute façon, mais je me sens d'autant plus utile".
I.Menon--DT