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Après être devenu une figure mondiale pour sa très remarquée "stratégie suédoise" face au Covid-19, plus souple qu'ailleurs, l'ancien épidémiologiste en chef du pays scandinave, Anders Tegnell, dissèque les mesures prises à l'époque dans un ouvrage publié vendredi.
"Nous n'étions pas une sorte de paradis libertaire", déclare M. Tegnell à l'AFP, qu'il reçoit dans les locaux de sa maison d'édition.
"Nous étions simplement une société qui essayait de trouver de bonnes façons de gérer la situation, de la manière la plus efficace pour nous".
Tandis que le coronavirus prenait le monde de court en 2020 et que les pays commençaient un à un à fermer différents pans de la société, l'un d'entre eux détonnait: la Suède.
Le royaume scandinave avait choisi une approche plus libérale.
Pas de confinement, de fermeture d'écoles, de masque obligatoire... L'accent était mis sur la responsabilité individuelle et les recommandations.
Ce choix a suscité de vifs débats à l'étranger, brandi par les uns comme contre-exemple, ou salué par d'autres - les adversaires des confinements.
"Manifestement, beaucoup interprétaient le caractère volontaire (de cette stratégie, ndlr) comme une approche passive", écrit l'ancien épidémiologiste en chef. "C'est un malentendu".
- Talon d'Achille -
Intitulé "Tankar efter en pandemi" ("Réflexions après une pandémie"), l'ouvrage de 280 pages reflète le caractère du personnage : les formules y sont soignées, pragmatiques, chaque étape de la stratégie est décortiquée et méthodiquement expliquée.
Au fond, "je croyais que les gens pouvaient le faire eux-mêmes", souligne-t-il pour expliquer le choix de la Suède de recourir aux recommandations plutôt qu'aux mesures coercitives.
"Nous n'avons forcé personne, mais nous avons constaté un énorme respect de nos recommandations", avance-t-il.
Devenu malgré lui la figure de proue de cette stratégie, Tegnell raconte sa stupeur face aux menaces de mort dont il a fait l'objet, mais tient à préciser qu'une majorité des Suédois le soutenait: "C'était la première fois que notre administration recevait autant de fleurs!".
Pendant la première vague, la Suède était parmi les pays les plus touchés, notamment à cause d'une hécatombe dans les maisons de retraite qui a coûté la vie à 2.780 personnes entre le 1er mars et le 30 septembre 2020, selon les chiffres officiels.
Au total, 19.543 personnes sont mortes du Covid-19 depuis le début de la pandémie.
- "Complètement tort" -
Les comparaisons internationales sont délicates du fait de critères de comptabilisation différents, mais selon Our World in Data, la Suède s'en est mieux sortie que l'UE dans son ensemble avec, fin octobre, 2.365 morts par million d'habitants contre 2.767.
"Nous devons vraiment améliorer la qualité des soins dans nos maisons de retraite", concède à l'AFP M. Tegnell qui décrit dans son livre une "situation catastrophique".
Au début de la pandémie, l'épidémiologiste pensait qu'il serait plus simple de s'occuper des personnes âgées en Suède qu'ailleurs en Europe, car elles étaient toutes rassemblées dans un lieu bien défini. "J'avais complètement tort", constate-t-il.
Le manque de ressources et de compétences nécessaires dans les maisons de retraite ont en effet eu raison de ses pronostics.
Autre particularité de la Suède pendant la pandémie : un recours minimal au masque, jamais recommandé par les autorités sauf dans les transports publics pendant la deuxième vague.
"De nombreux pays en Asie utilisent des masques dans les lieux publics depuis des décennies pour limiter la propagation du virus pendant la saison de la grippe. Ont-ils fait fausse route pendant toutes ces années? Ce n'était pas mon rôle d'en juger", expose le médecin.
"Mais dans l'ensemble de la recherche, je n'ai pu trouver aucune preuve que cela faisait une différence en mieux".
Voulant tirer les leçons de la réponse sociétale face au Covid-19, il exhorte chaque organisation à dresser le bilan de cette période et à tout documenter.
Les réponses et conclusions seront précieuses, car il estime une nouvelle pandémie inévitable "dans les prochaines décennies".
"Dans de nombreuses régions du monde, la population augmente (...) Nous commençons à vivre dans des zones où nous n'avons jamais été auparavant et dans ces zones, il est très probable qu'il y aura de nouveaux types de virus que nous n'avons jamais vus", constate-t-il.
Alors, sommes-nous préparés? "Un peu mieux préparés que nous ne l'étions" pour le Covid-19. "Mais il reste encore beaucoup de travail à faire".
J.Alaqanone--DT