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Poser un garrot, mettre un bandage ou porter un blessé: confrontés à des blessures graves au combat, les soldats ukrainiens se forment régulièrement aux gestes de premier secours pour sauver leur vie sur le terrain.
"C'est une formation cruciale, car chaque soldat doit savoir comment sauver sa propre vie et celle d'autres à proximité", explique Victor Pylypenko, 36 ans, infirmier dans la 72e brigade ukrainienne.
Le jeune homme sert de traducteur pour Mossy, un volontaire australien, surfeur et surtout infirmier en soins intensifs, venu donner un cours à une quinzaine de soldats de cette unité, près de la ville de Kourakhové, à 15 km du front est.
Dans une salle puis un sous-bois, les militaires s'entraînent particulièrement à poser un garrot tourniquet sur un bras ou une jambe, pour arrêter une hémorragie externe massive, qui peut entraîner la mort en quelques minutes.
Chaque soldat est notamment équipé d'une trousse de premiers secours individuelle (acronyme IFAK en anglais), avec une ou deux de ces sangles appelées "tourniquet", d'environ 70 cm de long et dotée d'une poignée de torsion, qui enserre le membre au-dessus de la blessure et stoppe ainsi le saignement.
"Les blessures les plus courantes sur le terrain sont celles (d'éclats) d'obus dans les membres", relève Victor Pylypenko.
La poitrine et le dos sont aussi souvent touchés, car "le gilet pare-balles ne protège pas entièrement", ajoute-t-il.
- "Faux garrots" -
"Il y a des cas fréquents d'hémorragie massive et les garrots ont vraiment sauvé des centaines, voire des milliers de vies", précise l'infirmier, jugeant "essentiel" que les soldats sachent les utiliser correctement.
La façon de les poser mais aussi la qualité de ces tourniquets conditionnent leur efficacité.
"Le gouvernement nous fournit des IFAK, mais ils ne sont pas toujours de bonne qualité", regrette Victor Pylypenko, déplorant ainsi l'existence de "faux garrots qui sont mortels sur le champ de bataille".
Des ONG ukrainiennes et des infirmiers d'unités de combat ont dénoncé cet été l'absence de standardisation et la mauvaise qualité de l'équipement des trousses de premier secours, qui contient aussi notamment différents pansements.
Face aux critiques, et après 19 mois de guerre, le ministère de la Défense ukrainien vient d'annoncer la création d'un département médical en son sein.
"Nous travaillons avec nos partenaires occidentaux sur la possibilité d'une décision rapide pour confirmer la qualité des tourniquets produits en Ukraine", a notamment indiqué à la télévision Natalia Kalmykova, vice-ministre de la Défense.
Pendant la formation, l'infirmier australien conseille ainsi aux soldats de bien vérifier la provenance du matériel, notant avoir vu des tourniquets fabriqués en Chine de "très mauvaise qualité".
"Je ne peux pas lire la langue de certains" éléments de la trousse de secours, explique-t-il à l'AFP. "Parfois quand nous demandons aux gars de montrer telle pièce, ils en désignent une autre", s'inquiète-t-il.
La majorité des soldats ont déjà suivi des formations aux premiers secours et les ont appliqués au combat, quand eux-mêmes ou leurs camarades ont été blessés, mais il est indispensable, selon les formateurs, de s'entraîner et répéter régulièrement les gestes.
- Survécu trois fois -
Mossy raconte le cas de soldats qui avaient posé un garrot sur un blessé mais qui s'est desserré ensuite. "Ils n'ont pas pensé à vérifier le garrot pendant qu'ils le transportaient. Il s'est enlevé et leur ami est mort sur la civière", relate-il.
"Il faut continuellement réviser (les connaissances). Cela vient avec la formation et l'expérience, mais malheureusement, ces leçons sont apprises dans le sang", dit-il.
Selon les analystes, les soldats blessés et tués des deux côtés depuis le début de l'invasion russe le 24 février 2022 se comptent en plusieurs dizaines de milliers au minimum, mais ni Kiev ni Moscou ne communiquent sur leurs pertes.
Très attentif et posant des questions pendant le formation, Vasyl, un sergent de 52 ans, a déjà été blessé trois fois depuis le début de la guerre, notamment à son oeil droit, dont l'orbite est un peu enfoncée.
Ces connaissances médicales de base "m'ont permis de survivre trois fois", assure-t-il.
"La deuxième année de guerre s'achève bientôt. Ici restent ceux qui ont appris à survivre", dit le combattant au visage ridé.
Pour Arkadiï, un jeune soldat 39 ans, "dans une situation de stress, avec beaucoup d'adrénaline, vous ne comprenez pas toujours ce que vous faites".
"Il est donc très important qu'on vous rappelle constamment ces gestes (de premier secours), afin de pouvoir sauver votre vie ou celle d'un autre".
T.Prasad--DT