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"Un oeuf égale une dose": l'usine normande de Sanofi, qui fournit le monde en vaccins contre la grippe, consomme chaque jour 650.000 oeufs de poules, utilisés comme support à la multiplication des virus dans le sérum antigrippal.
"C'est l'équivalent de trois semi-remorques", illustre Henri Lanfry, le directeur du site de Val-de-Reuil (Eure) où un nouveau bâtiment de 8.700 mètres carrés vient d'être inauguré cette semaine.
Dans cette usine proche de Rouen, Sanofi fabrique plus de cent millions de doses par an, soit près de la moitié de ses vaccins anti-grippe - qui lui ont rapporté l'an dernier environ 3 milliards d'euros, soit 7% de son chiffre d'affaires.
Les oeufs proviennent de fermes disséminées à travers toute la France. Car pour se prémunir contre les ruptures d'approvisionnement en cas de foyers de grippe aviaire, mieux vaut ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
"La production sur oeufs est le moyen le plus fiable et efficace de produire des vaccins contre la grippe", souligne Thomas Triomphe, vice-président exécutif chargé de l'activité vaccins de Sanofi.
Pour produire les antigènes (protéines) qui stimuleront la réponse immunitaire de l'organisme, une machine commence par inoculer le virus dans le blanc de l'oeuf à travers un petit trou dans la coquille, immédiatement rebouché.
- Centrifugeuse façon Formule 1 -
"Si l'oeuf n'était pas hermétique, le virus ne pourrait pas se reproduire", explique M. Lanfry.
Les œufs sont ensuite placés dans un incubateur "pendant quatre jours à environ 30 degrés pour favoriser la multiplication du virus dans le blanc de l'oeuf", détaille le responsable du site. Puis ils sont mis au froid dans le même incubateur pour arrêter la croissance cellulaire: "si on laisse le virus se développer trop longtemps il va commencer à se dégrader".
Arrive alors la "récolte" : décapités comme dans leur coquetier, les oeufs défilent sur des tapis roulants, soumis à l'inspection de techniciens qui vérifient leur couleur pour s'assurer de la bonne croissance du virus.
Une énorme quantité de blanc d'oeuf liquide est alors récupérée, puis passée en centrifugeuse pour éliminer les impuretés et isoler le virus.
"La centrifugeuse tourne à plus de 130.000 tours par minute, plus puissante qu'un moteur de Formule 1", décrit Grégory Poutrain, responsable production grippe.
Il faut ensuite inactiver le virus pour le rendre inoffensif et filtrer la solution.
Un processus qui se répète à l'identique pour chacune des quatre souches de la grippe contenues dans le vaccin Vaxigrip Tetra (deux de type A et deux de type B). Mais avant de passer d'une souche à une autre, le bâtiment doit être entièrement décontaminé.
- Coquilles revalorisées -
Les principes actifs des quatre souches sont enfin assemblés, ce qui donne un vaccin quadrivalent, explique M. Lanfry.
Les coquilles elles, sont broyées et deshydratées puis méthanisées pour servir à chauffer des équipements publics, dont "la piscine municipale voisine".
La campagne de production, qui dure plus de six mois, s'achève pour les vaccins destinés à la grippe hivernale de l'hémisphère nord. En ce mois de septembre, la production peut démarrer pour les doses de l'hémisphère sud.
Les seringues, une fois remplies, sont scrutées une à une par 23 caméras qui vérifient l'absence de bulle d'air ou d'impureté, avant de passer par un circuit automatisé qui intègre les tiges-pistons nécessaires à l'injection, appose les étiquettes et réalise la mise en étuis carton dans une cadence allant jusqu'à 700 seringues par minute.
"D'ici quelques semaines ce sera fini" et les premiers lots seront disponibles en pharmacies, se félicite le responsable de l'usine, où Sanofi a investi 600 millions d'euros sur les dix dernières années.
La campagne d'injection débute mi-octobre en France.
R.Mehmood--DT