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Ils se jettent dans la Seine avec délectation, alors qu'elle est encore interdite à la baignade: un an avant les Jeux olympiques de Paris, qui doit inaugurer les retrouvailles entre cette pratique et le fleuve, un groupe de nageurs pionniers ne craint ni la patrouille, ni la pollution.
"J'ai hâte de nager dans la Seine! C'est autre chose qu'une piscine..." Un grand nombre de Parisiens écarquillerait les yeux à entendre Céline Debunne, 47 ans, s'enthousiasmer à l'idée de plonger d'une péniche de l'Île-Saint-Denis.
Car cette banlieue de Seine-Saint-Denis, au nord, est située en aval de la capitale, sur un méandre d'un fleuve à l'image contrastée.
"La Seine a très mauvaise presse, comme tous les fleuves de couleur foncée. La couleur ne fera jamais rêver", commente Louis Pèlerin, un nageur de 44 ans.
"Les gens disent: +Tu es fou, tu vas avoir des boutons!+", résume Tanguy Lhomme, qui accueille les nageurs sur sa péniche en ce premier dimanche de juillet. "Résultat, ils traitent la Seine comme un égout", déplore-t-il.
Quand il a opté pour cet habitat fluvial, en 2017, "il était hors de question que je me mette dedans. Mais mon rapport (à la Seine) a énormément évolué depuis", retrace ce père de deux enfants.
A 20h00 ce soir-là, une vingtaine de nageurs se jettent à l'eau pour une sortie d'une heure, soit 2 km parcourus sur un bras ni trouble, ni limpide, déserté par la circulation fluviale et aux rives plutôt bucoliques.
A 25 degrés, la température de l'eau "est limite pour des Ourcq polaires", s'amuse Josué Remoué, un pilier de ce groupe de nageurs en eau libre qui se plaît dans l'eau froide et a pris ses quartiers à Pantin, sur le canal de l'Ourcq, toujours dans le nord de Paris.
- "Tolérés" -
Hiver comme été, canal ou fleuve, la baignade est pourtant interdite à Paris comme dans sa proche banlieue. Mais les Ourcq polaires n'ont "jamais eu d'amende en cinq ans" et n'ont été sortis qu'une seule fois de l'eau par la police, assure Laurent Sitbon, un autre habitué.
Outre le port obligatoire d'une bouée gonflable et les sorties groupées, la présence de surveillants explique que ces nageurs en eau libre soient "tolérés", avance cet habitant de Créteil de 58 ans, ingénieur de formation.
La préfecture de police n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP quant à l'application de l'arrêté historique de 1923 qui interdit la baignade dans le fleuve.
"Ce n'est pas la pollution mais le contrôle des mœurs qui en est à l'origine", affirme Benoît Hachet, sociologue à l'EHESS et autre nageur du groupe.
"La pollution, c'est toujours un grand prétexte et souvent un grand mensonge", abonde Sibylle van der Walt, autre sociologue venue de Metz où elle milite pour l'ouverture de lieux de baignade en eau vive.
Mais "alors que dans les pays nordiques, on se baigne à son propre risque, en France le maire est responsable", d'où la frilosité des élus locaux, estime cette Allemande de 53 ans.
Trente ans après la promesse - jamais tenue - du maire de l'époque Jacques Chirac de se baigner dans la Seine, la perspective des Jeux olympiques de 2024 a fait bouger les choses à Paris.
L'Etat et les collectivités locales ont investi 1,4 milliard d'euros pour permettre l'organisation des épreuves de nage en eau libre et de triathlon dans le fleuve et, au-delà, l'ouverture de sites pérennes pour le grand public en Ile-de-France, prévue dès 2025.
A côté de cet élan politique qui permet d'aller "plus vite", les Ourcq polaires sont des "pionniers", estime Laurent Sitbon. "On n'était que quelques-uns en 2017. On a le sentiment d'avoir un peu ouvert une voie."
Pour Benoît Hachet, "plus que les JO, c'est le réchauffement climatique" qui doit faire évoluer la "question juridique". "Dans dix ans, il fera 40 degrés. Les gens iront dans l'eau, qu'on leur interdise ou pas."
B.Gopalan--DT