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A Dunkerque (Nord), entre mer, centrale nucléaire et cheminées d'usines, un immense chantier d'infrastructures électriques prend forme: fer de lance de la réindustrialisation verte, le territoire se prépare à répondre à une demande exponentielle en électricité.
Les enjeux sont gigantesques pour ce bassin portuaire qui représente à lui seul 21% des émissions de gaz à effet de serre industrielles de la France et ambitionne d'être un modèle de décarbonation pour lutter contre le réchauffement climatique.
Depuis deux ans, les projets se sont accélérés, souligne Laurent Cantat-Lampin, directeur régional de RTE, le gestionnaire du réseau de lignes à haute tension.
Dans la zone industrialo-portuaire, le long de la mer du Nord, les usines traditionnelles veulent abandonner le gaz et le pétrole fossiles, et de nouvelles industries liées aux batteries de voitures électriques ou à l'hydrogène vert émergent: toutes veulent de l'électricité. Or les infrastructures actuelles ne suffisent pas pour répondre à ces nouveaux besoins.
"Dunkerque est un laboratoire", résume Laurent Cantat-Lampin, "il y a toutes les problématiques de transition énergétique": des questions de consommation électrique mais aussi de production, avec "un projet de deux nouveaux réacteurs EPR2 sur la centrale nucléaire de Gravelines et un parc éolien en mer" à raccorder.
Face à ce nouveau paysage, RTE met les moyens, avec 1,5 milliard d'euros d'investissements prévus jusqu'en 2030. Le chantier portera la capacité du réseau dunkerquois de 1.500 megawatts de puissance à 6.000 MW.
Concrètement, RTE prévoit de créer deux nouveaux postes de 400.000 volts - l'un à l'ouest du port, dans le prolongement de Gravelines, l'autre à l'est pour alimenter les nouveaux besoins industriels - et de déployer, entre les deux, deux liaisons aériennes de 400.000 volts sur 11 kilomètres.
- "Dans deux ou trois ans" -
Les grands travaux commenceront dans "deux ou trois ans". L'enjeu: se frayer un passage dans la forêt de lignes électriques qui strient déjà le ciel de Dunkerque, tout en limitant l'impact sur les riverains.
Emblème du territoire, et l'un des premiers sites industriels émetteurs de CO2 du pays, le sidérurgiste Arcelor Mittal se retrouve au coeur de cette révolution électrique.
L'aciériste, qui exploite là trois hauts-fourneaux au charbon, envisage d'investir 1,4 milliard d'euros pour produire de l'acier sans émettre de CO2 d'ici à 2050.
Pour cela, il devra quintupler la capacité installée de 200 MW, à 1.000 MW... voire à plus de 2.000 MW lorsqu'il utilisera de l'hydrogène vert à la place du charbon aujourd'hui.
A côté, de nouveaux industriels arrivent: Verkor et Prologium avec leurs projets de giga-factories de batteries; Orano et son partenaire chinois XTC New Energy, qui veulent recycler des composants de batteries, et H2V, qui veut produire de l'hydrogène vert à partir d'énergies renouvelables.
En attendant de démarrer ses machines fin 2024, l'usine Verkor, longue de 800 m, est raccordée au réseau RTE depuis cet été, un nouveau poste inauguré en 2021. "C'est la première fois que RTE crée un poste par anticipation", avant que les projets ne soient confirmés, souligne Cyril Wagner, directeur adjoint du centre développement ingénierie RTE.
ReLes acteurs locaux y ont vu "un facteur d'attractivité". Pari tenu puisqu'en 2022, Verkor choisissait Dunkerque, notamment séduite par "la capacité de se connecter à la multiprise dans un délai raisonnable", explique Sylvain Paineau, son cofondateur.
Pour couvrir les nouveaux besoins en électricité, les industriels devraient pouvoir compter sur le parc éolien en 2028, puis sur les deux futurs EPR2 à Gravelines à partir de 2039.
Mais l'abondance d'électricité ne suffira pas pour alimenter la réindustrialisation, celle-ci devra aussi être "compétitive", alerte Laurent Courtois, directeur Energie et climat d'Aluminium Dunkerque.
Son usine consomme l'équivalent d'une ville d'un million et demi d'habitants, ce qui en fait la plus grosse consommatrice d'électricité du pays.
Pour réduire ses émissions de plus de 70% d'ici à 2050, un chantier à 3 milliards d'euros, l'entreprise doit trouver 300 MW.
Mais pour l'heure, Aluminium Dunkerque comme d'autres industriels, se dit peu convaincu par les nouvelles conditions tarifaires proposées par EDF.
Et le temps presse à l'approche de l'extinction en 2026 du mécanisme spécial qui leur permet d'accéder à une électricité bon marché.
"Il nous faut absolument un contrat qui soit décarboné et compétitif et surtout dans des quantités suffisantes", assure Laurent Courtois. Une question de "survie" selon lui.
A.Hussain--DT