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Une spectaculaire montée des eaux souterraines dans la ville de Zliten, dans l'ouest de la Libye, a poussé des dizaines de familles à fuir leurs habitations endommagées par la crue, qui fait craindre une crise environnementale.
Alors que les inondations meurtrières qui ont ravagé en septembre la ville de Derna, dans l'est Libyen, sont encore dans tous les esprits, Zliten, située à 160 km de la capitale Tripoli, et sa campagne voient depuis deux mois le sol dégorger et l'eau des nappes phréatiques ne cesse de monter.
Selon des habitants de la ville de 350.000 âmes, le phénomène n'est pas nouveau dans cette région mais son ampleur actuelle est sans précédent. Des dizaines de maisons, des rues et des fermes ont été inondées, mais le centre urbain a été largement épargné.
"L'eau a commencé à apparaître il y a deux mois et continue de monter jusqu'à submerger notre puits.
Tous mes arbres fruitiers - pommiers, abricotiers, grenadiers - sont morts", déplore auprès de l'AFP Mohamad Ali Dioub, propriétaire d'une ferme à environ quatre kilomètres du centre de Zliten.
"J'ai pu sauver ces quelques dattiers parce qu'on a acheté du sable pour couvrir une partie du terrain (...) et loué des camions citernes pour pomper la fosse sceptique qui déborde", indique le sexagénaire, impuissant face à l'ampleur du problème dans cette zone qui n’est pas reliée aux réseaux d'eau ou d'égouts.
- "La terre sent mauvais" -
Des familles, craignant que la situation ne s'aggrave, quittent leurs maisons remplies d'eau qui se sont par endroit affaissées, avec des murs lézardés ou carrément effondrés.
De plus, les eaux stagnantes et la boue dans les rues et les palmeraies ont attiré les moustiques et dégagent des odeurs nauséabondes.
La terre, d'habitude sablonneuse et de couleur claire, "est maintenant boueuse, noire et sent mauvais", décrit Mohamad al-Nouari, propriétaire d'un terrain complètement recouvert d'eau.
Les autorités, qui craignent une crise environnementale ou des dégâts dans les maisons mettant leurs habitants en péril, se sont mobilisées.
Près d'une cinquantaine de familles ont ainsi été relogées ou ont bénéficié d'une allocation pour la location d'un logement, selon le maire de la ville, Moftah Hamadi.
Lors d'un conseil des ministres le 6 février, le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah a promis aux habitants de Zliten que son gouvernement "n'épargnera aucun effort" pour "remédier à cette crise de manière scientifique et rapide".
Il a enjoint les ministres concernés à prendre les mesures nécessaires pour indemniser ou reloger les familles touchées.
Plusieurs institutions étatiques, dont l'autorité gérant la Grande rivière Artificielle qui irrigue une grande partie de la Libye, la compagnie générale de l'électricité et la compagnie des Eaux, sont mobilisées.
- Chaos politique -
Le Centre national de lutte contre les maladies a dépêché sur place des équipes d'urgentistes, des équipements et des pesticides pour contenir le problème des moustiques.
Parallèlement à ces mesures, des équipes d'experts étrangers, dont des Britanniques, Grecs, Egyptiens, se sont succédé dans cette ville pour tenter d'identifier l'origine du problème et trouver des remèdes censés éviter que la ville ne soit engloutie comme le craignent les habitants.
Zliten, une ville côtière entourée d'une zone qui autrefois était gagnée par les marais salants, abrite l’université al-Asmariya, l'un des plus importants et prestigieux sanctuaires soufis de Libye.
Mais elle est surtout connue pour ses palmeraies et ses oliveraies, qui produisent une des huiles les plus prisées du pays, aujourd'hui menacées.
Depuis la chute de régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est en proie à une instabilité politique qui a souvent dégénéré en conflit armé entre camps rivaux basés respectivement dans la capitale Tripoli et à Benghazi (est).
En septembre 2023, la tempête Daniel a frappé l'Est de la Libye, notamment Derna, une ville de 100.000 habitants qui borde la Méditerranée, entraînant la rupture de deux barrages et provoquant une crue de l'ampleur d'un tsunami qui a tout emporté sur son passage.
Ces inondations ont fait plus de 4.300 morts et plus de 8.000 disparus, selon des chiffres de l'ONU et de la Banque mondiale qui a estimé le coût de la reconstruction à 1,8 milliard de dollars.
W.Darwish--DT