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Jusqu'ici, la ménopause n'était connue que chez les humains et certaines espèces de cétacés. Mais selon une nouvelle étude, les chimpanzés doivent être ajoutés à la liste.
Ces recherches, publiées dans la revue Science jeudi, offrent un nouvel éclairage sur l'évolution de la ménopause chez les femmes.
"Les chimpanzés sont étudiés dans la nature depuis bien longtemps, et on pourrait croire qu'il n'y a plus rien à apprendre d'eux", a déclaré à l'AFP Kevin Langergraber, de l'université d'Etat d'Arizona et co-auteur de l'étude. "Je pense que cette étude nous montre que ce n'est pas vrai."
La vaste majorité des mammifères femelles ont des petits jusqu'à la fin de leur vie, mais les humaines expérimentent un déclin dans la production d'hormones reproductives, jusqu'à cesser totalement, généralement autour de 50 ans.
Chez les orques ou encore les narvals, les femelles vivent également bien au-delà du moment où elles cessent de pouvoir se reproduire.
Mais la raison pour laquelle la sélection naturelle a favorisé cette évolution -- qui plus est chez certaines espèces seulement -- n'est pas évidente.
Selon certains scientifiques, une explication possible est celle du rôle de la "grand-mère": les femelles ne pouvant plus se reproduire ont ainsi davantage de temps et d'énergie à consacrer à la survie et à la réussite de leurs petits-enfants.
- 20% de leur vie -
Pour leur étude, les chercheurs ont examiné les taux de fertilité et de mortalité de 185 femelles chimpanzés de la communauté Ngogo dans le parc national de Kibale, en Ouganda, entre 1995 et 2016.
Ils ont calculé un indicateur pour déterminer le temps moyen de la vie adulte passé après avoir perdu une capacité reproductrice.
De précédentes tentatives s'étaient heurtées à des difficultés statistiques, tandis que cet indicateur est lui plus fiable, a dit à l'AFP Brian Wood, de l'Université de Californie à Los Angeles et auteur principal de l'étude.
Résultat: les femelles chimpanzés -- contrairement à des chimpanzés d'autres populations -- vivent en moyenne 20% de leur vie adulte après avoir cessé de pouvoir se reproduire, ont-ils constaté, soit un peu moins que chez les humains.
Pour exclure la possibilité qu'une maladie ait par exemple entraîné la stérilité chez toute la génération de femelles chimpanzés âgées, les chercheurs ont également étudié leur statut hormonal.
Ils ont prélevé des échantillons d'urine de 66 femelles, aux âges et capacités reproductives différentes, et ont mesuré les niveaux d'hormones (gonadotrophine, oestrogène, progestérone). Conclusion: les tendances observées suivaient celles des femmes humaines en période de transition ménopausique.
- Mauvaises grand-mères -
Les chercheurs proposent deux interprétations.
La première s'appuie sur le fait que les animaux sauvages en captivité ont de longues vies post-reproductives, lorsqu'ils sont protégés des prédateurs et des maladies. Il est possible que les chimpanzés de cette population évoluent dans des conditions anormalement favorables, comme une absence de léopards, qui ont été chassés jusqu'à l'extinction dans cette région.
La seconde fait l'hypothèse qu'il s'agit bien d'une population historique, non influencée par des changements provoqués par les humains.
Dans ce cas, selon Brian Wood, les scientifiques doivent revoir leur théorie sur la ménopause.
En effet, chez les chimpanzés, les femelles quittent la communauté au sein de laquelle elles naissent, tandis que les mâles qui restent se reproduisent avec de nombreuses partenaires.
Les grand-mères maternelles sont donc absentes, et les grand-mères paternelles ne savent pas quels sont leurs "petits-enfants", leurs fils ne sachant eux-mêmes pas quels petits sont les leurs. L'hypothèse de la grand-mère ne s'applique donc pas.
Selon Brian Wood, la ménopause pourrait plutôt servir à réduire la concurrence entre femelles âgées et plus jeunes.
Lorsqu'une femelle chimpanzé rejoint un nouveau groupe, ses liens avec lui sont faibles, mais ils grandissent avec le temps à mesure qu'elle se reproduit et transmet ses gènes. Plus tard, cet impératif s'estompe.
Dan Franks, biologiste à l'Université de York ayant étudié la ménopause chez les orques, a qualifié l'étude de "fascinante".
"Ces recherches décrivent pour la première fois une ménopause chez des primates non-humains dans la nature", a-t-il souligné auprès de l'AFP, en ajoutant que la seconde interprétation avancée par les chercheurs était "passionnante" en termes d'implications.
Les auteurs de l'étude souhaitent à l'avenir se pencher sur la même question chez les bonobos, qui sont, avec les chimpanzés, les espèces du règne animal les plus proches de l'humain.
H.Pradhan--DT