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Du troisième étage de d'une école primaire de Londres, Sarah Slotover, mère de famille, observe un site industriel vide, au coeur d'un combat emblématique des tensions en Europe et au delà entre services de livraison de courses et riverains.
La société Ocado veut ouvrir une plateforme de distribution dans ce bâtiment du quartier résidentiel de Tufnell Park, entouré de maisons. Seule une clôture le sépare de la cour de l'école Yerbury.
Terrifiés, comme d'autres en Europe et au-delà, par le risque de pollution de l'air sur les centaines d'écoliers, un groupe de parents et riverains a mené une bataille qui est allée jusqu'à la Haute Cour de Londres.
Le combat illustre les affres de la croissance des services de livraison rapide qui apportent tout ou presque à n'importe quelle heure et la multiplication des "dark stores" alimentant le système, ainsi nommés en raison de l'obturation des vitrines et fenêtres.
La satisfaction de l'impatience des uns se fait au prix de la quiétude des autres, qui pâtissent de pollution de l'air, de la lumière, du bruit et de l'augmentation de la circulation.
Les projets d'Ocado dans le nord de Londres ont commencé à prendre forme au début de la pandémie de Covid-19 en 2020. L'enseigne a "soudainement annoncé quelle allait établir un gigantesque entrepôt derrière l'école", se souvient Sarah Slotover.
Ocado a profité d'une faille dans la règlementation qui lui a permis de modifier l'affectation du site dans demander d'autorisation formelle.
- "Problème mondial" -
Les riverains n'ont eu connaissance de l'ampleur du projet que lorsque l'enseigne a demandé à installer trois pompes de gasoil pour approvisionner les véhicules de livraison. Ils se sont très vite mobilisés, sous la bannière "Nocado".
Pendant le confinement, cette petite armée a disposé de tout le temps nécessaire pour lancer la contre-offensive.
Selon Andy Grieve, membre de "Nocado", les projets initiaux auraient vu des poids lourds et leur gaz d'échappement de l'autre côté de la haie de l'école, aller et venir jour et nuit.
Ils ont obtenu gain de cause, mais Ocado a engagé un recours et saisi la justice. La Haute Cour a donné raison aux riverains en juin 2021, mais ceux-ci craignent qu'en raison des moyens dont elle dispose, l'entreprise finisse par l'emporter.
Selon Andy Grieve, un scientifique spécialiste de la pollution de l'air à l'Imperial College de Londres, l'essor des courses en ligne et l'appétit croissant pour des livraisons toujours plus rapides font que "dark stores" et "dark kitchen", qui livrent des repas, "s'infiltrent dans les centres-villes".
"Ca ne va pas s'arrêter de si tôt", prédit-il, estimant que les autorités locales doivent se mettre à jour face aux stratégies des sociétés de livraison. "C'est un problème mondial".
A Amsterdam, les autorités ont interdit en mai les sociétés de livraisons ultra-rapides d'installer leurs entrepôts en centre-ville.
En France, gouvernement et Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative, ont tranché, concluant que les "dark stores" sont des entrepôts et non des commerces, ouvrant la voie à leur exclusion des centres-villes.
Andy Grieve fait valoir qu'il existe une foule d'éléments depuis au moins une dizaine d'années démontrant l'impact de la pollution de l'air sur la santé des enfants.
- "Impact gigantesque" -
Une étude dans la revue Nature a conclu que la pollution de l'air causait des cancers des poumons en réveillant des cellules mutantes dormantes qui évoluent en tumeurs.
Une autre, dans le Lancet Planetary Health journal, fait un lien entre pollution et résistance aux antibiotiques.
"Une source de pollution près d'une école va avoir un impact gigantesque sur ces enfants", ajoute M. Grieve. "Leurs poumons", "système immunitaires", "cerveaux se développent, donc on doit faire très attention à ce qu'on met près des écoles".
Pour l'heure, le site Ocado à Tufnell Park reste vide.
Contactée par l'AFP, l'entreprise met en avant son "engagement d'utiliser une flotte 100% électrique" pour ses livraisons et d'installer un "mur vivant" vert entre le site et l'école.
Une promesse "sans signification", selon Natasha Cox, opposante au projet. Selon elle, si Ocado remporte ses recours, la société "pourra faire ce qu'elle veut", à moins de lancer de coûteux recours pour la contraindre à respecter sa parole.
K.Al-Zaabi--DT