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"Le seul moyen de pousser, c'est par le droit", estiment-ils. Un recours a été engagé au Conseil d'Etat par un collectif d'experts, scientifiques et juristes pour contraindre le gouvernement et les pouvoirs publics à respecter les objectifs fixés dans le développement des énergies renouvelables.
Le recours a été déposé mercredi soir, a indiqué à la presse Corinne Lepage, avocate de l'association "Energies renouvelables pour tous".
Dénonçant un manque de moyens déployés par l'Etat et "la faiblesse" de son action en faveur d'un essor massif de ces énergies, l'association lui enjoint de "prendre toutes mesures utiles permettant à la France d'assurer la compatibilité de la trajectoire du développement des énergies renouvelables".
Elle lui demande, en particulier, d'atteindre "l'objectif de 42,5% d'ENR dans la consommation énergétique globale, conformément à l'accord du conseil de l'Union européenne du 30 mars".
L'association avait le 16 avril adressé une lettre en ce sens à la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. N'ayant pas eu de réponse à ce recours grâcieux, elle passe à l'étape suivante avec ce recours "pour excès de pouvoir", a expliqué Mme Lepage.
"Il faut que le gouvernement ait l'épée dans les reins pour tenir les objectifs", a estimé l'ancienne ministre de l'Environnement, qui représente aussi la commune de Grande-Synthe (Nord) dans sa procédure contre l'Etat pour "inaction climatique".
"Le seul moyen de pousser, c'est par le droit, pour contraindre l'Etat", dit-elle.
La France a été en 2020 le seul pays de l'UE à manquer ses objectifs dans les renouvelables (19% de sa consommation d'énergie finale au lieu des 23% prévus), ce qui devrait lui coûter quelque 500 millions d'euros. Elle est à 20,7% en 2022.
Pour la suite, "on n'y est pas", ajoute l'avocate, que ce soit 33% prévus pour 2030, ou a fortiori ceux qui devront être révisés pour s'aligner sur les ambitions européennes (42,5% voire 45% pour les plus volontaires).
"Les projections actuelles sont unanimement éloignées des objectifs," souligne l'association, qui cite notamment le Haut conseil pour le climat.
Au moment où la stratégie énergétique du pays doit être révisée, à partir de cet été, le recours veut faire "pression pour que les copies soient revues à la hausse tant que c'est possible", souligne Mme Lepage.
L'Etat est déjà poursuivi pour "inaction" en faveur des renouvelables par un bureau d'étude spécialisé dans les projets éoliens et photovoltaïques, qui a lancé en février une action devant la même instance.
- Le Parlement visé aussi -
Le collectif "ENR pour tous" a été créé ce printemps pour "défendre ces énergies comme moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre", avec la volonté aussi "de démonter la désinformation" qui les entourent, a indiqué son président Stéphane His, ingénieur consultant.
L'association juge insuffisante la récente "loi d'accélération des renouvelables" qui, selon elle, ajoute à la complication administrative en imposant aux collectivités de définir des zones d'accélération.
"Ce recours s'adresse autant au Parlement, qui n'a pas saisi les enjeux, avec une classe politique aveuglée par le souvenir du programme nucléaire de 1974, alors que la France s'isole au plan mondial dans le rythme de développement des renouvelables et que le Giec nous dit que ce sont l'éolien et le solaire qui ont le plus de potentiel de réduction des GES", dit Cédric Philibert, un ancien de l'Agence internationale de l'énergie.
Le collectif énumère tous les blocages réglementaires qui, plus que le manque de moyens financiers, affectent le solaire et l'éolien en France: limites à l'autoconsommation, à l'agrivoltaïsme, aux panneaux solaires en toitures...
Il souligne aussi l'urgence à agir sur ces années à venir, sachant qu'il ne faudra pas compter sur de nouvelles centrales nucléaires avant au moins 2035.
"Un conseil de politique nucléaire s'est tenu à l'Elysée pour faire sauter toutes les barrières (pour les futurs réacteurs), pourquoi ne pas faire de même pour les ENR? ", suggère le chercheur Ghislain Dubois.
Concernant le calendrier du recours, Mme Lepage escompte un mémoire de l'Etat dans les six mois, avant une audience d'ici à la fin 2024.
G.Gopinath--DT