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"Don Goyo est en colère parce qu'il n'a pas reçu son offrande". Au pied du volcan Popocatepetl, qui connait un regain d'activité, les habitants restent aux aguets sur fond de vieilles croyances autour de la "montagne qui fume" dans le centre du Mexique.
Vendredi, le massif qui culmine à 5.452 mètres s'est encore agité: "secousses fréquentes d'une intensité faible à modérée, associée à des émissions continues de gaz, de vapeur d'eau et de cendres", d'après le dernier bulletin des autorités.
Mis en place dimanche, le niveau d'alerte 3 a été maintenu. Il s'agit du seuil qui précède une éventuelle évacuation des habitants et des panneaux indiquent les routes à emprunter.
Habitante de San Andres Calpan, une localité située à environ 25 km de la "montagne qui fume", Eufemia de Jesus Ramos, 65 ans, n'envisage pas de partir.
De fait, ni elle, ni sa famille n'ont bougé en décembre 2000 quand les autorités ont ordonné l'évacuation de quelque 50.000 personnes face à un risque d'éruption.
"Nous sommes habitués depuis 1994. Nous n'avons plus peur", glisse Eufemia, faisant référence à l'année du réveil du "Popo" après 70 ans de léthargie.
En arrière-plan, par moment, les nuages se dissipent et laissent voir le "Popo" -également appelé Don Goyo- et ses rejets de fumerolles.
Toute la semaine, le volcan a recraché des cendres jusque dans les faubourgs de Puebla, la capitale de l'Etat du même nom, à 80 km au sud-est de Mexico.
Domingo de los Santos, 45 ans, vendeur de cochons, affirme lui qu'il partira en cas d'alerte rouge: "Avec regret, les animaux resteraient derrière nous. Si c'est nécessaire, on attrape un sac et l'on s'en va".
- Croyances, mythes et légendes -
Le regain d'activité du volcan -comme en 1994, 1997, 2000....- a aussi réveillé des légendes et des croyances qui perdurent dans la vallée de Mexico, un plateau perché à plus de 2.000 m au milieu des massifs volcaniques.
D'après un récit méso-américain, le Popocatepetl, également appelé "Don Goyo", était un guerrier amoureux de la femme blanche (l'"Iztaccíhuatl"), le nom de la montagne voisine qui le jouxte à 5.215 m.
Mais le père de l'"Izta" préférait un autre colosse, le pic d'Orizaba (Citlaltépetl en náhuatl), le toit du Mexique du haut de ses 5.636 mètres.
"Le pic d'Orizaba était un traître", affirme Isabel, 54 ans, habitante du village de Xalitzintla. "Il a coupé la tête au Popocatepetl, d'où la formation du cratère".
Le volcan est aussi connu sous le nom de "Gregorio Chino Popocatépetl", rappelle les anciens de Xalitzintla.
Le 12 mars, jour de la fête de Saint Grégoire le grand, un hommage lui est rendu, sorte de fête d'anniversaire.
Cette année, les autorités ont interdit la procession.
"Don Goyo est en colère parce qu'il n'a pas reçu ses offrandes", affirme avec conviction José Luis, un commerçant de 55 ans.
"Nous avons déjà demandé à Don Goyo qu'il attende l'année prochaine", affirme le maire de la localité voisine San Nicolas de Los Ranchos, Gumaro Sandre Popoca.
De façon plus rationnelle, le volcan est surveillé nuit et jour par des scientifiques du Centre national de prévention des désastres (Cenapred).
"On n'a pas observé la présence d'un dôme de lave", ont-ils écrit après un survol du "Popo" vendredi, constatant que le "cratère principal" s'est rempli de fragments de magma.
Les scientifiques prévoient la poursuite d'une "activité similaire" avec des secousses "fréquentes et d'amplitude variable" et des explosions "occasionnellement fortes".
Ils prévoient d'autres "émissions de cendres", ainsi que le rejet "de fragments incandescents" dans le rayon d'exclusion de 12 km mis en place autour du volcan.
A toutes fins utiles, ils recommandent aux habitants "de ne pas monter vers le cratère"...les offrandes doivent encore attendre.
W.Darwish--DT