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Dans un grand magasin désaffecté près du port d'Edimbourg, Tim Vincent-Smith passe la main à l'intérieur d'un piano à queue et pince délicatement les cordes tendues. Le musicien va remettre en état cet instrument abandonné, comme il l'a déjà fait avec des centaines d'autres.
Sa vocation est née alors qu'il vivait à Paris il y a 20 ans. Il travaillait à la librairie anglophone Shakespeare and Company, au bord de la Seine, un lieu aimé par des générations d'écrivains, dont Ernest Hemingway.
Le propriétaire l'envoyait chercher des planches de bois dans les décharges locales pour fabriquer des étagères, des bancs et des lits pour les employés de passage. Tim Vincent-Smith était souvent stupéfait par la qualité des pianos qui étaient jetés.
A Edimbourg, le musicien et son équipe de bénévoles ont déjà sauvé des centaines de pianos, abandonnés par leurs propriétaires voulant gagner de la place dans leur maison.
Une fois remis en état, ces pianos sont proposés à l'"adoption". Ceux qui sont irréparables sont transformés en œuvres d'art ou en meubles.
"J'ai découvert qu'il y avait des tas de pianos qui partaient à la décharge et j'ai commencé à fabriquer des meubles - un siège de fenêtre et un genre de lit en hauteur avec un escalier - et puis les pianos ont continué à arriver", raconte-t-il à l'AFP.
Il s'est alors rendu compte que beaucoup étaient encore "en assez bon état". Avec un ami musicien, Matthew Wright, ils ont décidé de fonder "Pianodrome", afin d'en sauver le plus grand nombre possible.
"Si vous avez de la chance, vous pouvez trouver un beau piano ancien qui a une bonne mécanique et un bon son, et avec lequel il est agréable de jouer", dit-il. "La meilleure chose qui puisse arriver à un vieux piano est de trouver une nouvelle maison".
- Vie sociale -
Le Royaume-Uni a une tradition de fabrication de pianos qui remonte à plus de 200 ans. Au début du XXe siècle, le pays comptait environ 360 fabricants.
Les pianos ont été envoyés à travers le monde, notamment à de grands compositeurs, dont Chopin, Liszt ou Jean-Chrétien Bach, le plus jeune fils de Jean-Sébastien Bach.
Ces instruments étaient autrefois au coeur de la vie sociale et de l'identité britanniques, occupant une place centrale dans les foyers et dans les pubs de quartier.
Mais la taille des logements a diminué, et il est devenu plus difficile d'y trouver l'espace pour un piano.
La télévision et plus tard les pianos électroniques ont commencé à offrir une autre source de divertissement.
Et les pianos traditionnels ont commencé à prendre la poussière dans un coin du salon.
Des pratiques pour le moins étonnantes sont apparues: dans les années 1950 et 1960, des concours ont été organisés pour mettre les pianos en pièces à l'aide de masses.
- Déchets -
Après la création de "Pianodrome", un piano a été emmené à Edimbourg depuis Plymouth, dans le sud-ouest de l'Angleterre, en apparence inutilisable.
"Toutes les touches étaient collées les unes aux autres à cause de l'humidité", se souvient Tim Vincent-Smith. Il a travaillé dessus. "Et puis, les touches ont pu bouger et nous avons découvert que le son était vraiment bon". Ce piano est devenu leur instrument pour les concerts.
Certains, irrécupérables, sont transformés en oeuvre d'art. Ainsi, devant "Pianodrome", se trouve une structure de 6 mètres de haut représentant des défenses d'éléphant. Un symbole pour représenter ce qui est considéré comme des déchets.
"Un piano est un exemple de ce que notre société perçoit comme un déchet mais qui peut être utilisé d'une formidable manière".
"Donc ce que je voudrais dire aux gens c'est: +Si vous envisagez de vous débarrasser de votre piano, réfléchissez-y à deux fois, c'est une belle chose, un piano+".
"Pianodrome" organise régulièrement des événements au cours desquels le magasin désaffecté est transformé en salle de concert, dans un amphithéâtre entièrement construit à partir de pianos recyclés.
O.Mehta--DT