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La barque avance sur le calme trompeur des eaux turquoises du Pacifique: à une encablure, sur la berge sablonneuse des côtes du Honduras, les maisons sont dévastées, rongées par l'océan dont le niveau s'élève inexorablement sous l'effet du changement climatique.
Les vagues se lancent sans pitié à l'assaut de la demi-douzaine de villages de pêcheurs du Golfe de Fonseca, que se partagent le Honduras, le Salvador et le Nicaragua.
"La mer avance", se lamente Telma Yadira Flores, 40 ans, dont la maison à Cedeño, à environ 100 km au sud de la capitale hondurienne Tegucigalpa, pourtant en dur, a été engloutie l'année dernière.
Désormais, elle vit avec son fils et sa belle-fille dans une masure faite de planches à même le sable: si "la mer arrive encore une fois nous devrons décamper", craint-elle.
La localité de Cedeño, qui compte quelque 7.000 habitants, "pourrait disparaître totalement d'ici un siècle", avertit un rapport de l'association du Comité de défense et de développement de la flore et de la faune du golfe de Fonseca (Coddeffagolf).
Pourtant réputé pour ses paysages paradisiaques, le golfe est considéré par les défenseurs de l'environnement comme le "Ground Zero" des effets du changement climatique au Honduras.
- Exodes "bibliques" -
Il y a deux semaines, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a averti que l'élévation du niveau des mers menace l'humanité d'exodes "de dimensions bibliques" tandis que "des pays entiers pourraient disparaître pour toujours".
Des experts et ministres du monde entier se réunissent d'ailleurs jeudi et vendredi à Panama pour la 8e conférence annuelle "Notre Océan" qui ambitionne de donner un cadre à l'"économie bleue" (l'équivalent océanique de l'économie verte) pour l'exploitation durable et la protection des mers et océans.
Mais déjà, dans le golfe de Fonseca, les vagues déferlantes ont détruit sans faire de distinction maisons modestes et riches villas, une partie de la barrière naturelle de cocotiers, abattu des digues, un laboratoire de biologie marine, des commerces...
"Ici, c'était la maison d'Elvin Santos", un ancien président du Honduras (2006-2009), dit le pilote de la barque Luis Fernando Ortiz, 39 ans, en désignant une ruine.
- Désolation -
Partout à Cedeño, la désolation est visible: l'école, qui accueillait 400 enfants, a dû être abandonnée, de même que le poste de police et la place centrale.
En 17 ans, la terre a reculé de 105 mètres, selon le rapport du Coddeffagolf. "La mer a bouffé six pâtés de maisons", soit environ 600 mètres, assure même Sergio Espinal, un pêcheur de 75 ans, qui énumère: un terrain de football, des restaurants, des hôtels... tous engloutis.
Les mangroves sont aussi dévastées, entraînant la disparition des mollusques et crustacés qu'elles abritent, déplorent les habitants de Cedeno.
Les poissons se font plus rares et même les oiseaux marins sont affamés tandis que les pêcheurs doivent aller toujours plus loin en mer pour jeter lignes et filets.
"Avant, il y avait des troupeaux de dauphins, des requins, on pêchait des espadons (...) maintenant tout ça est perdu", se lamente Luis Fernando Ortiz.
"L'océan constitue l'une des ressources les plus précieuses de l'humanité: il abrite 80% de la vie de la planète et fournit de la nourriture à plus de trois milliards de personnes", soulignent les organisateurs de la conférence "Notre Océan".
Cependant, ce "capital vital est en danger en raison du réchauffement" et "il est temps que les nations travaillent ensemble" pour sa protection, avertissent-ils.
T.Jamil--DT