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"Non, ce n'est pas farfelu. Cela répond à un besoin": un pont aérien de soignants a été établi jeudi entre Dijon et la Nièvre, désert médical, malgré les critiques sur l'impact environnemental.
Huit "médecins volants" sont arrivés peu avant 09H00 à Nevers, sous une légère bruine et un froid mordant, avant de rejoindre l'hôpital de la ville, chef-lieu de la Nièvre (200.000 habitants). Ils devaient retourner à Dijon le soir-même.
Ce "pont aérien" a pour but de relier une fois par semaine au moins Nevers à la capitale régionale Dijon en 35 minutes, contre près de trois heures en voiture ou deux heures et quart en train.
"L'avion est le meilleur moyen de raccourcir les délais" alors que l'hôpital de Nevers est, en France, "l'hôpital départemental le plus éloigné d'un CHU", le Centre hospitalier universitaire de Dijon où des médecins peuvent être disponibles, a expliqué le maire LREM de Nevers et président du Centre hospitalier (CH) de la ville, Denis Thuriot.
Les pneumologues, cancérologues ou autres gynécologues sont destinés au CH où il manque "une cinquantaine de médecins et au moins 35 infirmières", selon Patrick Bertrand, président de la Commission médicale du Centre hospitalier.
Mais le petit monomoteur de huit places a également transporté deux généralistes de SOS Médecins. "On va mettre en place une structure", actuellement inexistante dans la Nièvre, a déclaré à l'AFP le généraliste Romain Thévenoud.
"Notre but est de mieux soigner la population", a expliqué à l'aéroport de Nevers le directeur du CH, Jean-François Segovia. "La densité médicale a baissé de 21% dans la Nièvre entre 2012 et 2022. On a 68 médecins pour 100.000 habitants contre une moyenne de 121 en France. Il n'y a pas de dermatologue, un seul rhumatologue, un allergologue... 20% des patients n'ont pas de médecin traitant", a-t-il souligné.
Les vols médicaux sont "un palliatif en attendant d'attirer des jeunes médecins", estime Pierre Trouilloud. Le traumatologue au CHU de Dijon vient depuis 25 ans tous les mois à Nevers pour ses consultations, effectuant six heures de trajet en voiture. Avec l'avion, il envisage maintenant de venir "tous les quinze jours". "Il y a des demandes à Nevers", explique-t-il.
- "1.500 fois plus" de CO2 -
Le pont aérien a un coût supporté par l'hôpital mais il permettra en fait "d'économiser", assure M. Thuriot. "Cela coûte 670 euros l'aller-retour par passager", alors qu'un médecin intérimaire peut demander jusqu'à "3.000 euros la journée", calcule le maire.
La mesure a cependant suscité les critiques des écologistes. "Un trajet en avion émet 1.500 fois plus de gaz à effet de serre qu'en train", accuse Sylvie Dupart-Muzerelle, conseillère municipale EELV de Nevers, qui dénonce "un coup de com' à l'heure où l'Europe valide la suppression des vols intérieurs en France lorsqu'il existe une alternative en train en moins de 2h30". Cette mesure ne concerne cependant pas les vols privés comme le Dijon-Nevers.
"Il ne faut pas opposer l'écologie à la santé publique", a cependant nuancé Wilfrid Séjeau, vice-président EELV du conseil départemental, qui siège au conseil de surveillance de l'hôpital de Nevers. "Si cette solution se révèle vraiment efficace, je suis prêt à l'accepter", dit-il à l'AFP.
"Non, ce n'est pas farfelu. Cela répond à un besoin", se défend le maire de Nevers. "Arrêtons l'avion-bashing. Des avions décollent tous les matins avec des hommes d'affaires et on n'entend personne vociférer", ajoute-t-il. "Ca va aider les Nivernais qui ont l'espérance de vie la plus courte dans la région".
"Je suis conscient des critiques sur l'empreinte carbone. Mais il faut entendre toutes ces personnes qui appellent le 15", renchérit le docteur Romain Thévenoud, de SOS Médecins.
La mise en place d'un vol médical "apparaît d'autant plus nécessaire que la liaison ferroviaire entre Nevers et Dijon sera coupée pendant au moins sept mois à partir de juillet pour travaux", rappelle à l'AFP le président socialiste de la Nièvre, Fabien Bazin.
O.Mehta--DT