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Sandi Blanao, 64 ans, a arpenté trois magasins avant de dénicher des bouteilles d'eau dans un supermarché de Mamoudzou. "Pour en avoir, il faut être costaud", souffle l'homme en plaçant deux packs – la quantité maximale autorisée par le magasin – dans son chariot.
Quelques heures plus tard, les cinq palettes d'eau en bouteille qui venaient d'être déposées dans l'allée centrale sont déjà vides, laissant des dizaines de clients dans le désarroi. Quand une nouvelle cargaison arrive, tous se ruent dessus.
Plus de cinq semaines après le passage du cyclone Chido à Mayotte, les étals d'eau potable du département français de l'océan Indien restent pris d'assaut.
Il n'y a pourtant pas de problème d'approvisionnement, assure à l'AFP un distributeur qui souhaite rester anonyme. Mais une combinaison de problèmes, entre une demande plus importante du fait de l'absence d'eau dont souffre toujours une partie de la population, la méfiance des Mahorais pour le robinet et les délais nécessaires à l'arrivée des nouvelles commandes.
En attendant, les Mahorais ont recours au système D, à commencer par le bouche-à-oreille pour savoir où trouver des bouteilles. Et ils ne se posent plus de question.
"Dès qu'il y en a, on en prend", résume Antoy Bacar, 45 ans, dans les allées du supermarché Sodifram - un groupe local - de Hauts-Vallons, dans le nord du chef-lieu du département, où quelques bouteilles sont encore en rayon.
Le directeur de l'établissement, Ramzi Boukhris, reconnaît qu'il est compliqué de répondre à la demande des clients depuis le passage du cyclone, qui a fait 39 morts et environ 2.500 blessés, selon un bilan encore provisoire.
Malgré les quatre à six palettes d'eau qu'il reçoit quotidiennement, les ventes ont triplé, assure-t-il. Et comme les commandes mettent habituellement trois mois à arriver au port de Longoni, porte d'entrée des produits importés à Mayotte, "c'est normal que ce qui était prévu ne soit pas suffisant" actuellement, justifie-t-il.
Selon lui, un mois sera encore nécessaire avant que l'arrivée des commandes réajustées ne résolve la crise.
- Distributions "insuffisantes" -
Cette ruée sur les bouteilles reflète aussi une méfiance généralisée envers l'eau du robinet. Les coupures régulières la font stagner dans les canalisations et favorisent le développement de bactéries, au point que la SMAE - Mahoraise des Eaux, à qui est déléguée la distribution d'eau, recommande régulièrement de la faire bouillir avant consommation.
Pour pallier la crise, la préfecture, avec la Sécurité civile et les communes, organise des distributions de bouteilles. Mais celles-ci peinent à suivre les besoins.
À Chirongui, dans le sud de l'île, le Centre communal d'action sociale (CCAS) a restreint l'accès à l'eau aux personnes vulnérables: personnes âgées, femmes enceintes et personnes handicapées.
Si la commune de 8.000 habitants - regroupés en plusieurs villages - recevait jusqu'alors plus de 300 packs d'eau par jour, ces chiffres ont baissé à moins de 70 depuis deux semaines. "Cela devient insuffisant", regrette la directrice du CCAS, Asmine Insa.
La préfecture, qui affirmait mi-janvier avoir distribué plus de deux millions de litres d'eau depuis le cyclone, n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP mais plusieurs autres communes seraient dans ce cas.
Ceux qui ne peuvent plus bénéficier de la distribution, eux, s'inquiètent. "S'il n'y en a pas en magasin, tout le monde est vulnérable", regrette Kassime Madi, un habitant de Chirongui.
L'épicerie située à quelques pas de chez lui n'a pas d'eau en rayon. Au supermarché de Malamani, le village voisin, il n’y a que quelques petites bouteilles. "Il faut être chanceux et arriver au bon moment", commente l'homme, contraint de se rabattre sur des packs vendus 10 euros dans certains commerces, malgré le blocage des prix décrété par le gouvernement.
A.Krishnakumar--DT