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Avec plus d'un logement sur trois classé F ou G en termes d'isolation, les habitants de la Creuse sont parmi les plus exposés, en France, à la précarité énergétique à l'heure où les factures d'électricité vont encore augmenter.
Nicolas Peinturier, responsable de Renov 23, service porté par le syndicat départemental des énergies, ne voit "rien d'étonnant" au classement de l'Observatoire national de la rénovation énergétique qui a recensé dans la Creuse le plus de "passoires" - 35% des résidences principales ont obtenu les deux plus mauvaises notes.
Première explication selon lui: les spécificités locales du bâti. "La maison typique creusoise, avec ses murs épais en pierre, c'est sympa l'été car l'inertie permet d'être au frais mais l'hiver, on a d'énormes déperditions", souligne le spécialiste.
"Dans les années 1960-70, on a vu apparaître les pavillons à Guéret, avec des maisons sur sous-sol, ajoute-t-il. Il pouvait y avoir un petit peu d'isolation mais on y chauffe plutôt le garage que le reste..."
Autre facteur, la faiblesse des revenus en Creuse, bien inférieurs à la moyenne nationale avec une médiane de 19.590 euros/an contre 21.930 euros ailleurs en moyenne, selon la Banque de France.
- "Déprimant" -
"La population est âgée, avec moins de ressources d'une manière générale, poursuit Nicolas Peinturier. Parfois ces personnes vivent dans une seule pièce pour ne chauffer que celle-ci."
"Mais quand on vit dans une passoire, tout le monde peut se retrouver en situation de précarité énergétique", considère-t-il. Un ménage est considéré comme tel s'il consacre plus de 10% de ses revenus au chauffage: avec la hausse des prix de l'énergie, qui va encore s'accroître pour l'électricité le 1er février, "c'est devenu plus courant".
Et cela devient vite un tabou.
Marie (prénom modifié, NDLR), employée commerciale, élève seule ses deux enfants à Guéret dans un pavillon dont elle est propriétaire, et consacre près de 200 euros par mois à sa facture d'électricité alors qu'elle est payée au SMIC.
"Pourtant, on se chauffe au minimum, à 19 degrés voire 18 et on porte des pulls. Mais même en diminuant notre consommation, la facture ne baisse pas en raison de la hausse des prix et c'est déprimant", lâche la mère de famille.
Elle cherche désormais à louer un autre logement, faute de pouvoir financer une rénovation de sa maison. "Ça atteint facilement plusieurs milliers d'euros pour l'isolation car il faut changer beaucoup de choses. Je viens de découvrir qu'il y a des aides mais ça reste un peu flou", confie-t-elle.
- Peur des démarches -
"Beaucoup de gens n'osent pas faire les démarches ou ne connaissent pas les dispositifs qui existent", confirme Nicolas Peinturier. En novembre, son service a fait un "Renov Tour" en camion à travers la Creuse pour informer la population.
Michel (prénom modifié, NDLR) a bénéficié, lui, du dispositif Ma Prime Rénov' pour isoler sa maison au niveau des fenêtres et des murs.
"Un ami m'en a parlé et ça m'a facilité les démarches tout en faisant des économies. Mon logement est passé de F à D. Maintenant, j'attends de voir les répercussions sur la facture mais je ne m'attends pas non plus à une division par deux", indique ce retraité dans l'ouest du département.
Parmi les structures d'accompagnement, Dorémi, entreprise d'économie sociale et solidaire lancée depuis six ans en France, promeut des solutions techniques "qui permettent de diviser de quatre à huit la consommation énergétique d'une maison", fait valoir son directeur général, Arthur Brac de la Perrière.
Ce diplômé de HEC, ex-cadre dans l'assurance reconverti dans l'artisanat, relève que la marge de progression, en Creuse, est "importante" et insiste sur la formation des professionnels du secteur, insuffisante selon lui.
"Aujourd'hui, en sortant de l'école, tout le monde sait comment faire des travaux pour réaliser 55% d'économies d'énergie. Mais ce n'est pas suffisant, il faut aller plus loin."
I.El-Hammady--DT