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Le sabre est un poisson, le lapin n'est pas toujours en retard et les vaches ne sont pas toutes blanches avec des taches noires : la grande houle des visiteurs a déferlé samedi matin sur le 59e salon de l'Agriculture, gamins en tête, curieux de ce que les grands appellent "le monde paysan".
Fasciné par un "Géant des Flandres" assoupi, Martin, 5 ans, se gratte la tête. Familier d'Alice au pays des Merveilles, il croyait que "tous les lapins étaient blancs" - et en retard - et "pas aussi gros".
Arrivé de Montargis (Loiret) avec ses parents, il savoure sa première visite. "On voulait qu'il voie des animaux en vrai plutôt que devant des écrans", explique sa mère, avant de l'entraîner vers le pavillon de la pêche.
C'est ici, au pied d'un aquarium et d'un bel étal que le président Emmanuel Macron a fait sa première halte, avant même l'ouverture du salon qui offre chaque année à des centaines de milliers de visiteurs, souvent des citadins, une fenêtre sur le monde agricole.
Les pêcheurs, malmenés par la crise post-Brexit et celle de l'énergie depuis la guerre en Ukraine, sont "fiers" d'avoir accueilli le chef de l'Etat "avant Ovalie", la vache égérie du salon.
Derrière son étal, "Fred", animateur de l'association France Filière Pêche, explique à Adrien, 7 ans, qui mange de la sole, qu'il existe "des tas d'autres poissons à déguster: le grondin, le lieu, le sabre, le Saint-Pierre". Il suggère que ce serait bien d'en consommer plus et un peu moins de saumon, "qui n'est pas pêché en France".
Dès 11 heures, l'odeur de friture et les premières gorgées de bière donnent le ton. Le stand de la Drôme vante le parfum de son ail, celui de Normandie son beurre au lait cru et sa crème d'Isigny.
A quelques pas de là, une foule dense s'est massée devant l'enclos d'Ovalie, la robuste montagnarde aux cornes en forme de lyre et robe acajou, star du salon, au coeur du Hall 1, dédié aux vaches, chèvres et cochons.
- "Serrés comme des sardines" -
"Je ne m'attendais pas à cette couleur. Je croyais que les vaches étaient blanches avec des taches noires", glisse Raphaël, 7 ans. Le petit urbain ne sait pas non plus ce qu'on peut faire du lait - "à part le boire". Son grand-frère lui souffle: "du beurre, du fromage!"
Devant ses vaches, de belles Gasconnes des Pyrénées, robe gris clair et cornes courtes, Serge Esteveny sourit. "Les gens nous disent merci de nourrir la France. Entre la hausse des charges et la baisse des fourrages à cause de la sécheresse, on traverse un moment dur pour l'élevage, alors ça fait du bien", dit-il.
Aucun de ses trois enfants ne reprendra sa ferme, avec son troupeau d'"une trentaine de mères, et les petits en plus", sur les hauteurs d'Albi (Tarn). A 58 ans, il cherche toujours un repreneur. "On explique notre métier aux gens, il ne faut pas que notre savoir-faire, notre patrimoine disparaissent. En France, on importe de plus en plus de viande alors qu'on a d'excellents produits. Ca, on l'a bien dit au président."
Dans le même hall, en fin d'après-midi, Clémence Drouglazet, ingénieure de 25 ans, s'éternise devant les brebis. "J'ai vu des moutons de tous les coins de France et de Navarre et du coup je n'ai plus du tout envie d'en manger!".
Le regard tourné vers les stands de McDo et du charcutier industriel Herta, Baptiste Tapie, 26 ans, se veut pragmatique: "Ce ne sont pas les stands que l'on s'attend à trouver ici, mais au final, c'est logique, les vaches qui sont là, toutes magnifiques qu'elles sont, vont bien finir par être mangées!".
Entre les stands, "on est serrés comme des sardines, mais j'adore cette ambiance de fête", dit le jeune homme, verre de vin rouge à main.
La joie domine et la fièvre monte. Au pavillon des Outre-Mer, des grappes de jeunes gens enchaînent les "ti-punchs" en chantant... depuis quelques heures déjà.
A.El-Ahbaby--DT