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La secrétaire générale de la Francophonie entend interpeller les États membres sur le recul du français dans les organisations internationales lors du sommet de l'OIF ce weekend, exhortant à "redoubler d'efforts" pour que la langue française, en progression dans le monde, "continue d'occuper sa place", dit-elle dans un entretien à l'AFP.
"On se rend compte d'après nos rapports que dans les organisations internationales, il y a eu un recul" du français, argumente Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), rencontrée au siège de l'organisation à Paris.
Or "ce sont nos États qui siègent (...) et décident dans ces organisations et moi j'aimerais beaucoup les réveiller", relève-t-elle, indiquant qu'elle lancerait un "appel" aux chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage lors de leur 18ème sommet, samedi et dimanche à Djerba (Tunisie).
Les chefs d’États seront appelés "à s'assurer de garder la langue française dans leurs instances internationales" et "dans l'enseignement au niveau des pays" notamment. Pour Mme Mushikiwabo, "c'est au niveau institutionnel qu'il faut redoubler d'efforts".
La Francophonie, ce sont des femmes et des hommes qui partagent une langue commune, le français. C'est ensuite un "dispositif institutionnel" visant à "promouvoir le français et à mettre en œuvre une coopération politique, éducative, économique et culturelle" au sein des 88 États et gouvernements de l'OIF (54 membres, sept membres associés et 27 observateurs), précise l'organisation. L'OIF a pour missions de promouvoir la "langue française et la diversité culturelle et linguistique", "la paix, la démocratie et les droits de l'Homme", de développer la coopération économique et "d'appuyer" l'éducation.
- 321 millions de locuteurs -
Mme Mushikiwabo souligne que selon les derniers chiffres de l'OIF, le nombre de locuteurs en français est passé de 300 millions en 2018 à 321 millions en 2022, soit une "augmentation de 7%" qui vient du continent africain.
Elle confie être "mécontente par rapport à l'Union européenne (...) où l'on voit que la tendance, même dans les documents écrits, est d'aller vers la facilité qu'offre l'anglais, alors que l'UE est le deuxième bloc le plus important à la Francophonie".
"La langue française c'est le fondement même de notre organisation, mais on n'est pas du tout dans la suprématie de la langue française; on n'est pas des jihadistes de la langue, on est là pour que la langue française soit enseignée, parlée, utilisée", explique-t-elle. Le rôle de la Francophonie, "c'est de s'assurer que la langue française continue d'occuper sa place".
Ancienne ministre rwandaise des Affaires étrangères, Mme Mushikiwabo a été élue secrétaire générale en octobre 2018. Elle est seule candidate à sa succession. L'élection du prochain secrétaire général sera soumis au vote des chefs d’État et de gouvernement lors du sommet.
Alors que le thème du sommet est le numérique, Mme Mushikiwabo souhaite, si elle est réélue, "travailler à assurer une plus grande présence sur la toile" du français, "la quatrième langue la plus utilisée sur internet".
Interrogée pour savoir si les récents mouvements anti-France dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest pourraient entraîner un rejet de la langue française, Mme Mushikiwabo dit ne pas partager cet avis.
"La révolte qu'on voit dans la jeunesse francophone en Afrique vient d'un désenchantement politique", des "frustrations du quotidien" et vis-à-vis "de la classe dirigeante" et par extension de la France qui est l'ancien pouvoir colonial, déclare-t-elle. "Ce n'est pas du tout un rejet de la langue française".
"Ces pays ont investi énormément dans la langue française pour l'éducation, la communication", etc. "La langue française n'est pas prête à quitter le continent africain", juge-t-elle, appelant à une "réflexion" sur les crises qui secouent le monde francophone et la multiplication des coups d’État en Afrique de l'Ouest.
"Je pense que nos dirigeants ont besoin d'écouter beaucoup plus, de faire attention aux citoyens, c'est pour cela que nos programmes à l'OIF ont été recentrés et resserrés pour créer un impact sur les citoyens", indique-t-elle.
Au sommet de Djerba, un huis clos politique aura justement pour thème la "défiance citoyenne".
F.Damodaran--DT