AEX
-4.3900
Des milliers de filles et jeunes femmes ont pris part jeudi à Kaboul à un examen d'entrée à l'université, dans la peur deux semaines après un attentat suicide contre un centre éducatif de la capitale afghane ayant coûté la vie à plus de 50 personnes.
Habillées d'un hijab et d'un foulard noirs, les élèves se sont présentées à des universités de Kaboul pour passer ce test d'admission, qui se tient pour la première fois depuis le retour des talibans au pouvoir en août 2021.
Ce test national, pour garçons et filles, se déroule à des dates différentes selon les régions. Jeudi, il s'est tenu dans la capitale, sous une forte présence sécuritaire, les talibans ayant déployé de nombreux hommes armés pour prévenir tout attentat.
Le 30 septembre, 53 personnes, dont au moins 46 filles et jeunes femmes, selon l'ONU, avaient été tuées dans un attentat suicide contre un centre de formation qui préparait à cet examen, situé dans un quartier de la capitale abritant la minorité chiite hazara.
"Il y a beaucoup d'angoisse. Nos esprits sont perturbés, craignant toujours qu'à n'importe quel moment il pourrait y avoir une explosion", a déclaré à l'AFP Zahra, 18 ans, qui espère poursuivre des études d'informatique, avant d'entrer dans une salle d'examen à la prestigieuse université de Kaboul.
Les garçons dans la matinée et filles dans l'après-midi ont été minutieusement fouillés avant d'entrer dans les salles d'examen. Les talibans avaient bloqué les rues alentour et positionné des tireurs d'élite sur les toits des immeubles adjacents.
Une autre élève, Madina, a aussi reconnu avoir peur. "Cette fois-ci, toutes mes inquiétudes sont causées par la situation sécuritaire. Tout le monde a tellement peur", a-t-elle expliqué.
L'université de Kaboul avait elle-même été attaquée en novembre 2020 par des hommes armés, qui avaient tué au moins 22 personnes, des étudiants pour la plupart. Cette attaque avait été revendiquée par le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
- Parmi les dernières -
"Personne ne peut nous arrêter, personne ne peut enlever le crayon et le livre de nos mains", a affirmé avec détermination un professeur Yahya Homai.
De nombreuses filles, toutefois, ont choisi de ne pas se présenter à cet examen, redoutant un attentat, selon des participantes interrogées par l'AFP.
Le retour des talibans au pouvoir a mis fin à deux décennies de guerre en Afghanistan et a entraîné une réduction significative de la violence, mais les attaques se sont multipliées ces derniers mois.
L'attentat de septembre n'a pas été revendiqué. Mais l'EI-K, la branche régionale de l'EI, qui considère les chiites comme hérétiques et s'oppose aussi à l'éducation des filles, a mené plusieurs attaques meurtrières ces dernières années contre des écoles ou mosquées chiites.
L'éducation des filles est une question extrêmement sensible en Afghanistan, pays à majorité sunnite. Les talibans ont interdit l'enseignement secondaire (collège et lycée) aux filles. Les étudiantes sont en revanche toujours admises à l'université.
Mais, faute d'être allées au collège et au lycée, les filles afghanes ne seront à l'avenir rapidement plus en mesure d'accéder à l'université. Celles qui ont passé l'examen de jeudi pourraient ainsi être parmi les dernières à poursuivre des études universitaires.
"Nous demandons que les écoles au-delà (du primaire) soient rouvertes pour les filles", a déclaré à l'AFP, sous couvert d'anonymat, une élève qui souhaite faire des études de médecine.
"S'il n'y a pas de filles éduquées, alors comment pouvons-nous avoir une société développée?", a-t-elle plaidé.
Y.El-Kaaby--DT