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Les étudiants serbes qui défilent sans relâche contre la corruption appellent à manifester samedi à Novi Sad, là où est né l'immense mouvement de contestation qui secoue la Serbie depuis un effondrement meurtrier survenu il y a trois mois jour pour jour.
Des manifestations ont lieu presque chaque jour depuis la mort de 15 personnes dans la chute de l'auvent en béton de la gare de Novi Sad, qui venait d'être rénovée. L'accident a ravivé une colère sourde en Serbie contre la corruption et le manque présumé de contrôle des grands projets de construction, et a contraint le Premier ministre à la démission.
Samedi, les trois principaux ponts de Novi Sad, qui enjambent le Danube, devraient être bloqués pendant au moins 3 heures par les manifestants, et l'un d'eux pendant 24h.
- Universités en première ligne -
Les étudiants ont pris la tête du mouvement de contestation, l'un des plus grands que la Serbie ait connus ces dernières années.
Le départ du Premier ministre, Milos Vucevic, annoncé mardi matin, n'a pas convaincu les étudiants de débloquer les universités qu'ils occupent depuis des semaines. Ils estiment que cela ne répond pas à leurs revendications : une hausse de 20% du budget de l'Enseignement supérieur, la publication de tous les documents relatifs à la rénovation de la gare, l'arrestation des personnes soupçonnées d'avoir agressé des étudiants et des professeurs depuis le début des manifestations, l'abandon des poursuites contre les étudiants arrêtés.
Pour les autorités, le sujet est clos : elles estiment y avoir répondu.
Le président Aleksandar Vucic, qui oscille entre appels au dialogue et accusations d'ingérences étrangères, a gracié mercredi 13 personnes arrêtées depuis le début du mouvement, et affirmé que de nouveaux documents relatifs aux travaux de la gare allaient être publiés.
Des dizaines d'enquêtes ont été ouvertes contre des personnes soupçonnées d'avoir attaqué des manifestants, et le ministre des Finances Sinisa Mali a annoncé jeudi que les frais d'inscription à l'université allaient être divisés par deux.
"Si vous regardez les quatre revendications (des étudiants), il est désormais clair qu'elles ont toutes été satisfaites", a écrit sur Instagram M. Mali, que la rumeur voit déjà Premier ministre.
"Mais c'est devenu un mouvement plus large", explique Bojan Klacar directeur exécutif du Centre pour des élections libres et la Démocratie. "Je ne suis pas certain que le simple fait de répondre à ces demandes satisfasse les manifestants".
Pour M. Klacar, qui s'attend à ce que la manifestation de samedi soit "massive", elle ne saurait être à elle seule un point de bascule.
La bascule "n'arrivera que si le mouvement de protestation s'étend à des groupes capables de paralyser les institutions. Là, nous assistons à une paralysie des universités et de certaines écoles. Mais le véritable tournant ne se produira que si les manifestations s'étendent à d'autres domaines susceptibles de perturber gravement le fonctionnement de l'Etat. Et je ne suis pas sûr que cela se produise après Novi Sad".
- Elections -
Les étudiants, qui ont surpris le pays par leur organisation, les assemblées dans lesquelles ils décident des actions à mener aux manifestations qu'ils encadrent avec un service d'ordre, se tiennent à distance des partis d'opposition, martelant qu'ils ne veulent pas que leur mouvement devienne politique.
L'opposition, elle, tente de trouver sa place, et appelle à la formation d'un gouvernement de transition chargé d'organiser des élections libres.
Mais face à des manifestations qui ne faiblissent pas, le président pourrait se décider à abattre l'une de ses dernières cartes : convoquer de nouvelles élections sans passer par un gouvernement de transition. Mardi, il s'est donné "dix jours" pour décider.
Entre temps, il doit se rendre dans différentes villes pour y rencontrer les citoyens. Samedi, il devrait être dans le sud, à des centaines de kilomètres de Novi Sad.
U.Siddiqui--DT