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La Première ministre du Bangladesh chassée du pouvoir, son palais pris d'assaut: le chef de l'armée a annoncé lundi former un gouvernement intérimaire, un mois après le début des manifestations antigouvernementales.
"Le pays a beaucoup souffert, l'économie a été touchée, de nombreuses personnes ont été tuées. Il est temps de mettre fin à la violence", a déclaré le général Waker-Uz-Zaman, annonçant la démission de la dirigeante de 76 ans, Sheikh Hasina, lors d'une adresse à la nation diffusée par la télévision d'Etat bangladaise.
"Si la situation s'améliore, il n'y a pas lieu de recourir à l'état d'urgence", a-t-il ajouté, en promettant que les responsables des meurtres commis pendant les manifestations seraient poursuivis en justice.
Au moins 300 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations en juillet, selon un bilan de l'AFP à partir de données de la police, de responsables et de sources hospitalières.
Lundi, Sheikh Hasina a fui la capitale Dacca par hélicoptère, avant que des milliers de manifestants ne prennent d'assaut son palais, a indiqué à l'AFP une source proche de la dirigeante.
Fille aînée de Sheikh Mujibur Rahman, le père fondateur du Bangladesh qui a pris son indépendance du Pakistan en 1971, Sheikh Hasina était arrivée au pouvoir en 2009, après un premier mandat entre 1996 et 2001.
Des images diffusées par la chaîne bangladaise Channel 24 ont montré une foule de manifestants courant dans l'enceinte du palais de Mme Hasina.
Peu avant que sa résidence ne soit prise d'assaut, son fils, Sajeeb Wazed, avait exhorté les forces de sécurité à empêcher toute prise de pouvoir. "Votre devoir est d'assurer la sécurité de notre peuple et de notre pays, ainsi que de faire respecter la Constitution", a-t-il écrit sur Facebook.
L'annonce de la démission de Mme Hasina survient alors que des centaines de milliers de manifestants antigouvernementaux défilent dans les rues de la capitale lundi, au lendemain d'une journée sanglante au cours de laquelle des affrontements ont fait au moins 94 morts à travers le pays.
D'après des témoins, de larges foules marchent dans les rues de Dacca et ont abattu des barrages. Le quotidien Business Standard estime que quelque 400.000 protestataires manifestent ainsi lundi, un nombre que l'AFP n'a pas été en mesure de vérifier.
- "Champ de bataille" -
Dimanche, de nouveaux heurts entre opposants à Mme Hasina, forces de l'ordre et partisans du parti au pouvoir avaient fait au moins 94 morts dans tout le pays.
C'est le bilan le plus lourd en une seule journée depuis le début des manifestations antigouvernementales il y a un mois dans ce pays musulman de 170 millions d'habitants où les étudiants contestent, sur fond de chômage aigu des diplômés, les faveurs dont bénéficient les proches du pouvoir pour devenir fonctionnaires.
Tout Dacca s'est transformé "en champ de bataille" et une foule de plusieurs milliers de manifestants a mis le feu à des voitures et des motos près d'un hôpital, selon une autre source policière.
En réaction, le gouvernement avait notamment fermé les écoles et universités et déployé l'armée.
Le pays compte de nombreux diplômés au chômage, et les étudiants exigent l'abolition d'un système de discrimination positive qui réserve un quota d'emplois publics aux familles des vétérans de l'indépendance.
Partiellement aboli en 2018, ce système a été restauré en juin par la justice, mettant le feu aux poudres, avant un nouveau retournement fin juillet de la Cour suprême.
La crise sociale s'est muée en crise politique à partir du 16 juillet, quand la répression a fait ses premiers morts, les manifestants réclamant alors la démission de Mme Hasina.
"Il ne s'agit plus seulement de quotas d'emplois", a déclaré à l'AFP Sakhawat, une jeune manifestante rencontrée à Dacca. "Nous voulons que les futures générations puissent vivre librement", dit-elle.
Le gouvernement de Mme Hasina a été accusé par des groupes de défense des droits humains d'utiliser les institutions de l'Etat pour consolider son emprise sur le pouvoir et éradiquer la dissidence, y compris en faisant procéder à des exécutions extrajudiciaires de militants de l'opposition.
R.El-Zarouni--DT