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Conséquence du confinement, hausse du télétravail, vieillissement de la population et besoin de densification: la métropole de Rennes a gravé dans le marbre l'obligation de doter tous les logements nouvellement construits d'un balcon, d'une loggia ou d'une terrasse.
Depuis mi-janvier, après une modification du Plan local d'urbanisme intercommunal (Plui) adopté lors d'un conseil métropolitain, chaque nouveau logement doit disposer d'un "espace extérieur privatif" de 4 m2, une mesure "inédite" par son ampleur en France, selon la métropole.
Cette contrainte n'est pas réservée aux seuls immeubles d'habitation: les résidences pour étudiants, les personnes âgées ou les foyers pour jeunes travailleurs doivent aussi obligatoirement offrir un espace extérieur, fixé là à 3 m2, pour tout logement.
"Le contexte sanitaire, le confinement, sont passés par là mais aussi le développement de modes de vie un peu différents, le télétravail", explique Laurence Besserve (PS), vice-présidente de Rennes métropole en charge de l'aménagement et de l'habitat.
Autre raison qui a poussé les élus de la métropole bretonne (460.000 habitants et 43 communes) à sauter le pas: les prévisions démographiques.
"La population va vieillir: on va aller vers un maintien à domicile le plus longtemps possible, donc il va y avoir cette nécessité d'avoir un espace intérieur et extérieur (...). On sait tous les bienfaits d'être dehors", argumente Mme Besserve, également maire de Betton, une commune aux portes de Rennes en pleine expansion.
Car Rennes et son agglomération, comme beaucoup de villes de l'Ouest, attire et doit répondre à une forte poussée démographique, avec une prévision de 533.000 habitants en 2035 et la nécessité de créer 65.000 nouveaux logements.
Avec la loi Climat et résilience de 2021 et la perspective d'atteindre zéro artificialisation nette des sols à l'horizon 2050, "on sera de plus en plus nombreux à vivre en forme urbaine collective et cette nécessité d’espace extérieur devient vitale", plaide l'élue.
Pour l'architecte établi à Rennes Gwénaël Le Chapelain, "on revient un petit peu en arrière: on avait des surfaces bien supérieures après guerre, durant les années 1950, 1960 et 1970. Progressivement on a grignoté, compacté les appartements, intérieur comme extérieur, jusqu'à supprimer les balcons, pour des histoires d'économie et d'augmentation du foncier", rappelle M. Le Chapelain, qui juge bénéfique cette évolution normative.
- "L'air du temps" -
Chez les promoteurs immobiliers bretons, cette mesure "formalise quelque chose qui était plutôt dans l’air du temps et s’est accentué avec le Covid et le télétravail. Le besoin d’avoir des espaces extérieurs s'est beaucoup exprimé chez les clients ces derniers temps", explique Guillaume Loyer, directeur promotion Bretagne et aménagement urbain du groupe Giboire.
Cette nouvelle norme, avec une surface "généreuse" qui permet d'installer table et chaises, va "nécessairement" engendrer un surcoût, prévient M. Loyer, alors que l'accession à la propriété dans la capitale bretonne est un sujet de préoccupation qui fait régulièrement la Une des médias locaux.
Le sociologue Jean Viard, qui a longtemps plaidé pour le "droit au soleil", salue cette politique dans une ville "qui a toujours été en avance sur les politiques d’aménagement du territoire, depuis très longtemps, avec le concept de ville archipel".
"On est dans une société où le temps de travail n’arrête pas de diminuer, même si elle risque de réaugmenter un peu (avec la réforme des retraites, ndlr), le temps de travail, c'est 10% de la vie. La question du logement est très importante et l'agrandir vers l'extérieur est une idée extrêmement intéressante", souligne-t-il.
"Tout le monde a envie de pouvoir manger au soleil, d’avoir une plante et éventuellement un animal", observe l'auteur du "Sacre du temps libre", soulignant qu'"énormément de personnes âgées ne sortaient jamais de chez elles" et n'avaient malheureusement plus de lien avec l'air extérieur.
F.Saeed--DT