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Les travaux de terrassement doivent être prêts pour les premiers "tirs à feu" au printemps: dans la forêt vallonnée de Vernon, en Normandie, l'Europe spatiale prépare ses futures fusées, qu'elle veut pouvoir réutiliser.
L'objectif est de développer une "brique générique de réutilisation", explique Jean-Christophe Hénoux, directeur des programmes futurs d'Arianegroup.
Et ainsi d'avoir les moyens techniques d'affronter la féroce concurrence de l'Américain SpaceX, qui recourt déjà avec succès à des fusées réutilisables.
Le programme européen est centré sur le moteur Prometheus - développé par Arianegroup et réutilisable cinq fois pour un coût de fabrication visé dix fois inférieur à celui du moteur Vulcain d'Ariane 5 - et Themis, un démonstrateur d'étage de fusée capable de revenir se poser avant d'être reconditionné pour être réutilisé.
Ce dernier est mis au point par ArianeWorks, une plateforme d'innovation mise en place par Arianegroup et le Cnes.
L'enjeu, si les cadences de lancements le justifient: réduire les coûts d'accès à l'espace.
A l'ombre du "PF20", structure en béton à l'abandon depuis 1984 après avoir servi de banc d'essai à la fusée Ariane 1, des ouvriers s'affairent pour préparer les premiers essais de Themis et de Prometheus, prévus en avril.
"On retrouve avec Themis cette logique de pionnier" des débuts d'Ariane, s'enthousiasme Philippe Girard, directeur qualité d'Arianegroup, en montrant le carneau d'évacuation - une tranchée servant à canaliser les jets de gaz brûlés - en cours de finition.
Des ouvriers sont à l'œuvre autour des supports d'acier sur lesquels le moteur Prometheus et les réservoirs composant l'étage de Themis seront posés, à quelques dizaines de mètres d'un monticule herbeux cachant un bunker souterrain d'où seront dirigés les essais.
Prometheus sera allumé à plusieurs reprises pour des "tirs à feu de quelques dizaines de secondes" alimentés par deux réservoirs d'oxygène et de méthane liquides cryogénisés, explique Olivier Gogdet, chef du projet Themis.
Par rapport à l'hydrogène, "le méthane est intéressant car il est beaucoup plus compact et beaucoup moins froid que l'hydrogène" et donc plus propice à la réutilisation, détaille-t-il.
- "On coupe dans les virages" -
Symboles d'un changement d'ère, les réservoirs de Themis sont préparés dans le même hall d'assemblage que les moteurs Vulcain d'Ariane 5.
Pour l'heure encagés dans un treillis métallique, ils y côtoient le dernier moteur Vulcain, protégé d'une jupe violette en attendant l'ultime vol d'Ariane 5 en 2023.
Sans attendre le premier vol d'Ariane 6 prévu en fin d'année, l'agence spatiale européenne (ESA) prépare donc déjà l'après: elle a consacré 210 millions d'euros au développement de Prometheus et 33 millions à Themis.
La France a de son côté investi 15 millions d'euros pour la préparation du banc d'essai de Themis à Vernon et accélérer d'un an le développement de Prometheus.
"Avant, on faisait le développement par séquences, là on met au point le moteur, sa mise en œuvre et l'étage en même temps. Cela permet de réduire les délais et les coûts de développement", plaide Olivier Gogdet.
"On coupe dans les virages. Sur Themis, dès qu'on peut, on fabrique, on teste", ajoute Jean-Christophe Hénoux.
Après les premiers essais, Themis doit effectuer ses premiers vols à l'été 2023 à Kiruna, dans le nord de la Suède, lors de "Hop tests": la fusée de 27 mètres de haut, pour près de 200 tonnes, doit décoller et revenir se poser sur son pas de tir.
Les derniers tests sont prévus en 2025 depuis Kourou, selon Olivier Gogdet: Themis, propulsé par trois moteurs Prometheus, volera à plus de Mach 6 (plus de 7.400 km/h), "jusqu'au moment où sont largués les boosters", les propulseurs d'appoint d'Ariane 6, avant d'aller se poser sur une barge en mer.
Cette brique technologique servira pour de futures fusées mais "permet d'envisager l'évolution d'Ariane 6 avec un étage réutilisable, un moteur réutilisable" voire des boosters liquides, "c'est ce qui se sépare en premier, donc le plus simple à réutiliser", imagine Jean-Christophe Hénoux.
L'Europe spatiale doit se pencher sur la feuille de route de ces programmes futurs dès mercredi à l'occasion d'une réunion à Toulouse, puis en novembre lors d'une conférence ministérielle de l'ESA à Paris.
A.Padmanabhan--DT