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Plus de tests ni sur les animaux ni sur les humains. Cette proposition radicale, sur laquelle les Suisses se prononceront dans les urnes le 13 février, suscite une levée de boucliers dans un pays où l'industrie pharmaceutique pèse lourd.
L'idée a été lancée par des défenseurs de la cause animale, dont un médecin végétalien et une naturopathe.
En cas de "oui", ce que les sondages écartent, "la Suisse serait au niveau international l'unique pays avec une telle interdiction", selon le président du lobby des universités suisses, Yves Flückiger.
Sans expérimentation, pas de progrès médical, avertissent les chercheurs.
Dans une salle entièrement aseptisée de l'université de Genève, Patrycja Nowak-Sliwinska, responsable du laboratoire de pharmacologie moléculaire, dévoile son incubateur de cellules où sont cultivées des organoïdes intestinaux de patients atteints de cancer.
Ces structures constituées de cellules permettent de tester une grande quantité de traitements.
- Remplacer les cobayes -
"Avec le modèle in vitro, on essaie de trouver les candidats prometteurs", et seuls ces derniers seront testés sur des animaux, explique à l'AFP Mme Nowak-Sliwinska, qui a reçu un prix récompensant les chercheurs qui oeuvrent pour remplacer les cobayes animaux par d'autres méthodes.
Elle reconnaît qu'il est impossible de se passer complètement de l'expérimentation animale et des essais cliniques.
C'est pour cette raison que la Faculté de médecine de Genève héberge dans ses sous-sols quelque 25.000 animaux, dont l'écrasante majorité sont des souris et des rats.
Doron Merkler y mène des recherches pour trouver un traitement contre une forme de sclérose en plaque, qu'il ne pourrait réaliser, dit-il, sans les souris à qui il injecte des cellules modifiées pour observer les effets de la maladie sur le système nerveux.
La souris grise déposée sur un grillage présente des symptômes naissants: instabilité, paralysie partielle des membres.
Antalgique, pommade cicatrisante... les expériences sont encadrées par un protocole très strict concernant leur degré de gravité, et des gardiens d'animaux sont formés pour détecter quand un animal ne va pas bien.
"Si aucun soin vétérinaire ne peut être apporté à l'animal, on peut décider avec le chercheur de le sacrifier", explique Pierre Bonnaventure, responsable des animaleries à la Faculté de médecine.
- Antispécisme -
En Suisse, les chercheurs qui veulent recourir à des animaux vivants pour leurs travaux doivent en faire la demande, établir qu'il n'existe pas de méthode de substitution et que les contraintes imposées aux bêtes sont les plus faibles possibles.
Le nombre d'animaux utilisés est passé de près de 2 millions par an au début des années 1980 à près de 560.000. Quelque 20.000 d'entre eux ont subi une contrainte sévère, comme l'implantation d'une tumeur, selon les autorités fédérales.
Le texte soumis au verdict des urnes veut accélérer la cadence et bannir les expérimentations sur les animaux, mais aussi les humains, ainsi que l'importation de nouveaux médicaments développés par ces biais.
"Les expériences sur les animaux doivent être considérées comme un crime", a expliqué à l'AFP Renato Werndli, le médecin qui a lancé l'initiative.
Tous les partis s'opposent au texte. Pour le gouvernement, l'interdiction aurait des "conséquences sanitaires graves", mais aussi pour l'économie, dans un pays où le secteur de la chimie et de la pharmacie représente un peu plus de la moitié des exportations.
Interpharma, le lobby des pharmas, a averti: en cas d'interdiction, "les institutions et entreprises concernées seraient contraintes de délocaliser leurs activités à l'étranger".
Les Suisses ont rejeté trois initiatives sur ce thème, en 1985 (à 70%), 1992 (à 56%) et 1993 (à 72%), et devraient en faire de même cette fois. Reste à voir si le rejet sera tout aussi massif, dans une société où le bien-être animal est devenu incontournable.
Pour Samia Hurst, bioéthicienne à l'université de Genève, la nouvelle "initiative porte clairement la marque d'une position antispécisme" et commet "une erreur assez fréquente qui est de cibler la recherche biomédicale".
Or, relève-t-elle auprès l'AFP, "l'expérimentation animale, parmi les différents usages que l'humanité fait d'autres espèces, est à la fois la plus surveillée et sans doute la mieux justifiée".
O.Mehta--DT