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L'architecte de la résidence "Le Surcouf" à Angers, dont le balcon s'est effondré en 2016 tuant quatre étudiants, a rejeté mercredi toute implication dans la conception technique du bâtiment, au premier jour du procès où comparaissent cinq prévenus.
Le soir du 15 octobre 2016, une crémaillère réunissant une trentaine d'amis se transforme en cauchemar lorsque, vers 23H00, le balcon se décroche et bascule dans le vide, entraînant 18 jeunes dans sa chute de plus de 8 mètres.
Antoine, 21 ans, Benjamin, 23 ans, Lou, 18 ans, et Baptiste, 25 ans, y laissent la vie, tandis que quatorze autres sont conduits en urgence à l'hôpital.
Les cinq prévenus au casier judiciaire vierge, acteurs clés de la chaîne de construction du bâtiment, ont retracé leur parcours professionnel.
Diplômé des Beaux Arts de Paris et de l'Université Columbia, l'architecte Frédéric Rolland, 66 ans, s'est présenté comme un "homme de l'art", tourné "exclusivement sur la recherche de la création d'un concept".
"Un architecte ne sera jamais un ingénieur ni un calculateur. A aucun moment je ne fais de calcul de dalles et de ferraillage", a spécifié celui qui était pourtant maître d'oeuvre du chantier, expliquant s'être formé "avec l'expérience" au suivi de chantier.
Au moment du drame, Frédéric Rolland était occupé par la création d'un cabinet à Shanghai.
"On demeure interdit de l'entendre dire que depuis des années il n'exerce son métier que pour l'esthétique alors même qu'il devrait le faire pour la sécurité. On est un peu choqués", a réagi après l'audience Me Louis-René Penneau, avocat de 32 parties civiles.
- "Pas d'oubli" -
"Est-ce qu'avoir fait ces projets à l'étranger lui a permis d'être présent localement pour suivre les chantiers ? Manifestement non", a commenté Laurence Couvreux, autre avocate des parties civiles. "Il dit qu'il avait des ingénieurs qui réalisaient le chantier, mais en exploitant à titre individuel son entreprise, sans le garde-fou de la forme juridique d'une société, il doit assumer la responsabilité juridique et pénale", a-t-elle ajouté.
Le constructeur Patrick Bonnel, 72 ans, ancien gérant de l'entreprise familiale éponyme, est lui titulaire d'un BTS de conducteur de travaux. "Mon père m'a demandé de rejoindre l'entreprise en 1976, j'ai pris le train en marche", a-t-il expliqué.
Egalement mis en cause, le conducteur de travaux Eric Morand, 53 ans, père de six enfants, est entré chez Bonnel en 1994. "Je ne peux pas oublier 2016, j'ai une fille née en 2016 qui est polyhandicapée donc je peux pas oublier 2016", a-t-il confié à la barre.
Interrogé sur ses qualifications, le chef de chantier Jean-Marcel Moreau, retraité de 63 ans, a indiqué n'avoir aucun diplôme, ayant appris son métier "sur le tas" chez Bonnel à 18 ans après avoir travaillé à la ferme.
André de Douvian, 84 ans, ancien ingénieur en travaux publics, a effectué les trois quarts de sa carrière dans le privé avant de rejoindre l'Apave, un bureau de contrôle technique.
Dans leurs conclusions, les enquêteurs avaient écarté la responsabilité des invités qui se trouvaient sur le balcon et l'hypothèse d'un défaut d'entretien du syndic.
En revanche, ils ont incriminé sévèrement les constructeurs : béton gorgé d'eau, supervision désinvolte du chantier, arrangements avec les règles de construction, mauvais positionnement des armatures en acier... Surtout, les balcons qui devaient initialement être préfabriqués en usine ont finalement été coulés sur place sans que de nouveaux plans ne soient réalisés.
Au total, 83 personnes se sont constituées parties civiles.
Durant l'instruction, Eric Morand est le seul à avoir reconnu une part de responsabilité, expliquant que le changement de mode de construction des balcons avait permis de gagner 14 semaines sur le calendrier des travaux.
"L'objectif était de gagner toujours plus d'argent", avait observé avant le procès Me Louis-René Penneau, dénonçant "l'irresponsabilité et l'inconscience totales" des constructeurs.
Le procès doit durer jusqu'au 4 mars.
F.A.Dsouza--DT