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Dissociation des patrimoines personnel et professionnel, assouplissement du dispositif d'assurance-chômage... le Parlement s'apprête à adopter définitivement mardi un projet de loi offrant un cadre plus simple et plus protecteur aux plus de trois millions de travailleurs indépendants.
Le texte sur lequel députés et sénateurs se sont accordés en commission mixte paritaire doit être voté une dernière fois successivement par le Sénat et l'Assemblée nationale.
Il crée un statut unique pour les indépendants - artisans, commerçants, professionnels libéraux...- qui opère une distinction entre le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel et son patrimoine personnel. "Tous les éléments qui ne sont pas utiles à l'exercice professionnel" seront insaisissables en cas de défaillance", a indiqué le ministre des Petites et Moyennes Entreprises Jean-Baptiste Lemoyne, alors qu'aujourd'hui seule la résidence principale est protégée.
Cette mesure, qui déroge au principe juridique de l'unicité des patrimoines, était une demande de longue date de ces travailleurs, dont l'activité fait par nature face à des risques importants, mis brutalement en lumière par la crise sanitaire. Elle entrera en vigueur trois mois après la promulgation de la loi.
Le projet de loi constitue "la pierre angulaire" du plan en faveur des travailleurs indépendants annoncé par Emmanuel Macron le 16 septembre, selon le ministre. Il s'articule avec un volet budgétaire voté en fin d'année, pour faciliter les cessions d'entreprises, trop peu nombreuses en France lors du départ à la retraite d'un entrepreneur, grâce à des exonérations de taxation de la plus-value.
- Droits sociaux faibles -
Autre mesure phare du projet de loi: les conditions d'accès à l'allocation des travailleurs indépendants (ATI), jugées trop contraignantes, sont élargies à toute cessation totale et définitive d'activité qui n'est pas économiquement viable. "Pour estimer si l'activité n'est pas viable, on va regarder s'il a une baisse de son revenu d'au moins 30%", a précisé M. Lemoyne.
Contrairement aux salariés, les indépendants ne peuvent en effet pas toucher le chômage. Depuis 2019, ils peuvent bénéficier de l'ATI, d'un montant forfaitaire de 800 euros par mois pendant une période maximale de six mois, mais seulement en cas de liquidation ou de redressement.
La réforme prévoit par ailleurs de doubler le crédit d'impôt pour la formation des dirigeants d'entreprises de moins de dix salariés et vise à réduire de 30% le tarif de l'assurance facultative AT/MP (accidents du travail/maladies professionnelles).
Une étude publiée le 1er février montre que les travailleurs indépendants souhaiteraient obtenir un alignement de leurs droits sociaux, qu'ils jugent faibles, avec ceux des salariés.
Selon une consultation réalisée à l'automne par OpinionWay auprès de 1.149 entrepreneurs indépendants soutenus par l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), 93% d'entre eux estiment "urgent" de faire converger leurs droits sociaux vers ceux des salariés. 59% veulent prioritairement des droits au chômage et 49% souhaitent avant tout une meilleure couverture des risques professionnels.
A revenus identiques, leur retraite de base est globalement similaire à celle des salariés mais la retraite complémentaire des indépendants, quand ils peuvent se l'offrir, est très souvent inférieure à celle de salariés.
"Le sujet monte en puissance avec la pandémie de Covid-19, a confirmé Jean-Guilhem Darré, secrétaire général du Syndicat des indépendants. La protection sociale est plutôt faible. Les droits des indépendants sont indexés sur leurs ressources, qui ont chuté en 2020 et 2021. Ce qui inquiète le plus, c'est la retraite".
Fin janvier, le gouvernement a annoncé des aides financières supplémentaires pour certaines catégories d'indépendants touchés par la crise sanitaire.
Le projet de loi, initialement porté par Alain Griset, avait été approuvé en première lecture dès octobre par le Sénat. Les députés l'avaient voté à leur tour le 10 janvier, à une très large majorité, M. Lemoyne ayant remplacé au banc du gouvernement M. Griset, après sa démission.
M. Griset, qui avant de devenir ministre avait exercé pendant plus de 30 ans la profession de chauffeur de taxi, répondra le 25 mai devant le tribunal correctionnel de Lille d'"abus de confiance" au dépens de la Confédération nationale de l'artisanat des métiers et des services (Cnams) du Nord.
I.Menon--DT