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"C'est une reconstruction ferroviaire !" Dans un vénérable atelier près de la gare de Périgueux, la SNCF refait à neuf des rames qui avaient été envoyées à la casse, sauvées de justesse pour relancer de nouvelles lignes de train de nuit.
"On remet à niveau des voitures qui avaient été radiées", explique Julien Polito, responsable du matériel roulant au technicentre Charentes Périgord.
"Elles étaient abandonnées, elles avaient été canibalisées – c'est-à-dire qu'on avait prélevé des pièces pour notre activité de maintenance –, certaines avaient été dégradées, vandalisées, squattées..."
Victimes du naufrage des trains de nuit et destinées à être démolies, 51 voitures ont été récupérées in extremis par la SNCF quand le gouvernement a annoncé la remise sur les rails des liaisons nocturnes Paris-Nice et Paris-Lourdes, dans le cadre du plan de relance, en septembre 2020.
Elles se sont ajoutées aux 71 voitures des deux lignes qui existaient encore, Paris-Briançon et Paris-Rodez/La Tour de Carol/Cerbère, que le gouvernement a décidé de rénover.
Le technicentre périgourdin a récupéré l'essentiel de la charge de travail, une partie des voitures étant rafraîchies à Tergnier (Aisne). Il y en a en tout pour une petite centaine de millions d'euros.
Les voitures sont désossées, désamiantées, remises d'aplomb, grenaillées, le cas échéant complétées quand des pièces ont disparu, repeintes et remontées. Les points de corrosion sont effacés, laissant au final une impression de neuf que dément une petite plaque sur le marchepied : De Dietrich, 1977...
À l'intérieur, tout est enlevé, inventorié, retapé à neuf ou changé, et remis en place. "Les matelas (des couchettes) de première sont tous remplacés par des neufs", précise M. Polito alors qu'une équipe de l'AFP passe d'un atelier à l'autre sous la grande halle du vénérable technicentre, entre peinture, matelasserie, sellerie et connectique.
"C'est artisanal", remarque le directeur de l'établissement Mathieu Michaud: "tout est fait à la main !". "Pour rénover un train de nuit, il faut à peu près quinze semaines (...) et 4.000 heures de travail", souligne-t-il. De quoi occuper plus de 200 personnes.
– Plus rien à rénover –
"Ce n'est pas juste un lifting", insiste M. Michaud. "Les rames sortent d'ici complètement rénovées", prêtes à repartir sur les rails pour une douzaine d'années.
Ces voitures construites à la fin des années 1970 gardent d'improbables prises électriques pour se raser dans le couloir, et – pour les initiés – un téléphone très vintage caché dans la cabine du contrôleur. La rénovation apporte d'autres prises près des couchettes, du wifi, des éclairages LED et des sanitaires tout neufs.
Les voitures traitées à Tergnier bénéficient d'un rafraîchissement beaucoup plus sommaire. Il faudra avoir de la chance en faisant sa réservation, si on tient par exemple au wifi.
Le technicentre de Périgueux en est à la moitié de son programme de remise en état de 93 voitures, qui va l'occuper jusqu'en mars 2023.
Au-delà de cette cure de jouvence des vieux trains de nuit, il va falloir trouver de nouvelles voitures fiables et confortables pour lancer de nouvelles liaisons nocturnes. Car la SNCF n'a plus rien à rénover.
Le gouvernement veut en effet agrandir le réseau d'ici à 2030, en prolongeant les lignes existantes vers Albi, Aurillac, Barcelone ou Saint-Sébastien au Pays basque espagnol, et en créant des transversales telles que Bordeaux-Nice, Metz/Genève–Nice/Barcelone/Bordeaux.
L'ancien ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari a évoqué en décembre "environ 800 millions d'euros d'investissements", privilégiant un appel à des sociétés de location capables de fournir le matériel roulant. Peut-être choisira-t-on des voitures plus confortables, avec des cabines individuelles ?
Au-delà du Paris-Vienne réactivé en décembre dernier et du Paris-Berlin annoncé pour fin 2023, M. Djebbari a aussi fait part de sa volonté de "relier Paris à d'autres capitales européennes : Madrid, Rome, Copenhague, peut-être Stockholm".
En pointe dans la relance des trains de nuit en Europe, la compagnie autrichienne ÖBB a prévu d'investir 500 millions d'euros dans du matériel neuf. En Italie, Trenitalia vient de lancer un appel d'offres pour acheter jusqu'à 370 voitures, estimées à 2 millions pièce.
I.El-Hammady--DT