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Inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution, comme le souhaitent le parti présidentiel et le gouvernement, serait pour les soignants concernés "un acte fort", sans régler pour autant la "situation dramatique" de l'accès aux soins.
"Nul ne peut être privé du droit à l'interruption volontaire de grossesse": en pleine crise des hôpitaux, alors que des fermetures de maternité sont redoutées cet été faute de soignants, la proposition de loi annoncée en début de semaine par la cheffe des députés LREM Aurore Bergé tient de la gageure.
Dégainé en réaction à la décision de la Cour suprême des Etats-Unis, qui a révoqué le caractère constitutionnel du droit à l'avortement, le projet compte cependant de nombreux soutiens. A commencer par la Première ministre Elisabeth Borne, qui a défendu "l'importance d'inscrire ce droit comme un droit fondamental".
Des termes proches de ceux de la coalition de gauche Nupes, qui a déposé sa propre proposition de loi, augurant d'un possible compromis à l'Assemblée nationale.
"On ne peut que défendre ça", mais "on se réjouira quand ce sera effectivement inscrit dans la Constitution", tempère Isabelle Derrendinger, présidente de l'Ordre des sages-femmes, encore échaudée par les 16 mois de gestation de la loi Gaillot, qui a allongé en février le délai de l'IVG de 12 à 14 semaines de grossesse.
- Manifestations samedi -
Si "sanctuariser ce droit" serait "un acte fort", il faut aussi "que le beau symbole soit concret pour les femmes", ajoute-t-elle. Or "actuellement la situation est dramatique", car le manque de sages-femmes conduit certaines maternités à privilégier les accouchements au détriment de leurs autres activités, dont les avortements.
Selon une enquête réalisée ces dernières semaines par le syndicat ONSSF, plus de 10% des maternités (49 sur 461) ont dû se résoudre à des "fermetures partielles".
En attendant sa constitutionnalisation, "il est urgent d'assurer que l'avortement puisse se dérouler dans de bonnes conditions, ici et maintenant", affirme le collectif "Avortement en Europe, les femmes décident", qui appelle à manifester samedi dans une trentaine de villes en France pour "garantir le droit" à l'IVG.
"J'ai des craintes pour toutes les maternités cet été", confie la présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens (CNGOF), Joëlle Belaïsch-Allart, elle aussi "très favorable" à la sacralisation de l'IVG, "un premier pas" même s'il "faut des moyens" pour que cet acte ne soit plus "le parent pauvre dans les services".
"Les politiques feraient mieux de voter un budget fléché et d'y mettre les moyens. Là, on pourrait dire qu'ils s'en occupent vraiment", renchérit son confrère Bertrand de Rochambeau, président du Syngof.
- Clause de conscience -
Si le principal syndicat de gynécologues a "décidé de ne pas se prononcer" sur la proposition de loi, son dirigeant n'en pense pas moins que cette initiative "inutile" ne "règlera rien". Il déplore "un affichage politique" sur un sujet qui "divise particulièrement les Français".
Dans un pays où "l'avortement représente encore un tabou" et suscite "un débat éthique important", y compris chez les professionnels de santé, la gynécologue Danielle Gaudry, figure historique du Planning familial, se garde bien de crier victoire.
"La constitutionnalisation sera un processus lent" et nécessitera "un rapport de force favorable dans la population et chez les élus", souligne-t-elle. Or le président du Sénat, Gérard Larcher, a mis en garde mardi contre les "lois de pulsion".
Avec la poussée de l'extrême droite, Mme Gaudry n'exclut pas à l'inverse "des amendements qui restreignent l'accès à l'IVG" durant la nouvelle législature. "Il faut être extrêmement vigilant, en particulier au moment du budget de la Sécu", dit-elle, relevant aussi la "clause de conscience" des soignants, qui peut "créer des obstacles à l'accès rapide à l'IVG".
Une exception que le nouveau président de l'Ordre des médecins, François Arnault, a revendiquée lors d'une conférence de presse jeudi: "Nous défendrons la clause de conscience, comme nous défendrons le droit des femmes à accéder à l'IVG".
F.El-Yamahy--DT