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Au lendemain de la suspension du dialogue entre gouvernement et indigènes, de nouvelles manifestations contre la vie chère ont eu lieu mercredi à Quito, dans un contexte toujours tendu et sans perspective immédiate de sortie de crise.
Alors que la mobilisation entre dans son dix-septième jour, quelques milliers d'indigènes ont marché dans les rues du centre-ville ainsi qu'aux abords de la présidence, dans le quartier historique de la capitale, pour réclamer "la reprise des négociations".
En plus ou moins petits groupes, et sans incident notable, les manifestants ont arpenté avenues et carrefours du secteur, dans le voisinage du Parlement et autour du Centre culturel équatorien (CCE), un vaste centre culturel indigène qui leur sert de QG et de base de vie.
"Nous sommes ici pour résister, pas pour le plaisir ou pour faire les touristes. Nos familles nous attendent, nous voulons rentrer chez nous. Mais nous resterons tant que le gouvernement ne nous donnera pas de réponse", tempêtait Isak, 28 ans, déguisé en Captain America, bouclier étoilé compris. "Nous sommes pauvres, nous avons faim, nous n'avons rien à perdre".
"Nous ne voulons pas dix cents, nous voulons des résultats!", scandait la foule bigarrée, femmes à poncho rouge en tête de cortège, entourée de lanciers à casques de chantiers et boucliers de tôle.
Dimanche, le gouvernement avait annoncé une réduction de 10 cents de dollar pour l'essence et le diesel, mais les manifestants jugent cette baisse insuffisante et réclament une réduction de plus de 20%.
Dans les rues étroites aux bâtisses élégantes du centre historique survolé par un hélicoptère, tous les commerçants s'empressaient de baisser leur rideau à l'approche du cortège. Depuis le début de la contestation le 13 juin, les abords du Palais Carondelet, la présidence, sont fortifiés derrière de lourdes grilles de fer et des cordons policiers.
"Nous allons rester ici jusqu'à ce que le président de la République rétablisse le dialogue", répétaient les manifestants.
Mardi, le président conservateur Guillermo Lasso a suspendu le dialogue initié la veille avec des représentants indigènes dont Leonidas Iza, chef de la puissante Confédération des nationalités indigènes (Conaie, fer de lance des manifestations), après une attaque en Amazonie au cours de laquelle un soldat a trouvé la mort.
- "Porte ouverte" -
M. Lasso a posé comme condition à une reprise des discussions la présence de "représentants légitimes" des indigènes "ouverts à un dialogue réel et franc".
La Conaie a immédiatement réagi en accusant le gouvernement d"autoritarisme" et de "manque de volonté". "Toutes les marches et mobilisations doivent se dérouler dans le calme. N'utilisons plus de prétextes pour ne pas vouloir dialoguer", a plaidé dans la nuit Leonidas Iza, semblant adopter une posture plus conciliatrice.
La veille, il avait déjà assuré "laisser la porte ouverte" à une reprise du dialogue, en appelant les protestataires à la retenue.
Six personnes, cinq manifestants et un soldat, ont été tuées depuis le début des manifestations. Plus de 500 personnes, civils ou membres des forces de sécurité, ont été blessées, avec quelque 150 arrestations, selon des observateurs.
Durant la nuit de mardi à mercredi, des heurts ont opposé des manifestants aux forces de l'ordre au nord de Quito où deux postes de police ont été incendiés. Le ministre de l'Intérieur Patricio Carrillo a dénoncé "l'irrationalité" de la contestation.
Quito, où sont rassemblés une dizaine de milliers de manifestants indigènes, sur les 14.000 dans l'ensemble du pays selon la police, est au coeur de la mobilisation. Quelques petites contre-manifestations pro-gouvernementales s'y déroulent également, drapeaux blancs en tête et à bord de véhicules, dans la partie nord et aisée de la ville, épargnée par les manifestations.
Le gouvernement avait mis fin samedi à l'état d'urgence décrété une semaine auparavant dans six des 24 provinces, et a assuré mardi ne pas avoir l'intention de le réinstaurer dans l'immédiat.
Les paysans indigènes du Cotopaxi, à une cinquantaine de km au sud de la capitale, ont promis pour jeudi une "mobilisation massive" à Quito, où la présence indigène semble s'être réduite ces derniers jours.
Mardi soir, le président Lasso a échappé à la destitution, avec le rejet par le Parlement d'une motion introduite par le parti d'opposition de l'ex-président socialiste Rafael Correa (2007-2017).
La contestation pèse sur l'économie du pays, en particulier l'extraction pétrolière. Des mobilisations passées du mouvement indigène ont provoqué la chute de trois présidents entre 1997 et 2005.
J.Chacko--DT