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Le site d'information philippin Rappler, co-fondé par Maria Ressa, prix Nobel de la paix, était toujours actif mercredi, quelques heures après avoir reçu des autorités un ordre de fermeture au dernier jour de la présidence de Rodrigo Duterte.
Mme Ressa est une critique virulente de M. Duterte et de sa sanglante "guerre anti-drogue" lancée en 2016. La journaliste et sa plateforme numérique ont fait l'objet de nombreuses poursuites judiciaires et menaces en ligne.
La commission philippine des opérations de bourse a confirmé mercredi dans un communiqué "la révocation des certificats qui ont permis la constitution en société" de Rappler, pour violation des "restrictions constitutionnelles et statutaires en matière de propriété étrangère des médias".
Cette décision "confirme la fermeture" de la plateforme numérique, selon Rappler qui entend faire appel de cette procédure "très irrégulière".
Sur un ton de défi , Mme Ressa a promis que le site resterait opérationnel.
"Nous continuons à travailler, c'est comme d'habitude", a lancé Mme Ressa, ajoutant que "nous ne pouvons qu'espérer que tout ira pour le mieux" avec le successeur de M. Duterte, Ferdinand Marcos Jr.
Ce dernier, fils de l'ex-dictateur philippin, doit succéder jeudi à M. Duterte.
Les militants redoutent une détérioration de la situation des droits de l'homme et de la liberté d'expression sous la présidence de Marcos Jr.
Rappler lutte pour sa survie depuis que le gouvernement de M. Duterte l'accuse d'évasion fiscale et d'avoir enfreint la règlementation en matière de propriété étrangère afin d'obtenir des financements.
Le site a également été accusé de violer une loi adoptée en 2012, année de la création de Rappler, en matière de cybercriminalité.
M. Duterte s'en est pris nommément à Rappler, le qualifiant de "média colporteur de fausses informations" à propos d'un article sur l'un de ses plus proches collaborateurs.
Rappler est accusé d'avoir permis à des étrangers de prendre le contrôle de son site web en émettant des "certificats de dépôt" via sa société-mère Rappler Holdings.
- Avenir incertain -
Selon la Constitution, les investissements dans les médias sont réservés aux Philippins ou aux entités contrôlées par des Philippins.
L'accusation repose sur un investissement dans Rappler en 2015 d'une société américaine, Omidyar Network, créée par le fondateur d'eBay Pierre Omidyar.
Omidyar Network avait ensuite transféré son investissement à des gestionnaires locaux du site afin d'éviter que M. Duterte ne tente de le faire fermer.
Mme Ressa, qui possède également la citoyenneté américaine, et le journaliste russe Dmitri Mouratov ont reçu en octobre le prix Nobel de la paix pour leurs efforts visant à "sauvegarder la liberté d'expression".
L'ancienne correspondante de la chaîne américaine CNN est actuellement poursuivie dans au moins sept affaires dont l'une pour laquelle elle est actuellement en liberté sous caution dans l'attente de son appel et où elle encourt jusqu'à six ans de prison.
Rappler est poursuivi dans huit affaires, a déclaré Mme Ressa.
Human Rights Watch a estimé que le site d'information subit des "représailles pour ses reportages courageux".
Le Centre international des journalistes (ICFJ) a exhorté le gouvernement philippin à revenir sur son ordre de fermeture de Rappler.
"Ce harcèlement juridique ne coûte pas seulement du temps, de l'argent et de l'énergie à Rappler. Il permet une violence en ligne implacable et prolifique destinée à décourager les reportages indépendants", a tweeté l'ICFJ.
L'avenir de Rappler et de son combat dans le système juridique hautement politisé du pays est incertain.
Le président élu a donné peu d'indices sur son point de vue concernant le site internet et la question plus large de la liberté d'expression.
Il a largement évité les entretiens avec les médias et les conférences de presse, préférant communiquer par l'intermédiaire de son attaché de presse et des réseaux sociaux.
Douglas Emhoff, l'époux de Kamala Harris, la vice-présidente des États-Unis, représentera les Etats-Unis lors de l'investiture de Marcos Jr.
Refusant de commenter l'affaire Rappler, il a affirmé à des journalistes à Manille que l'administration américaine était "profondément attachée à la liberté de parole, à la liberté d'expression et aux droits de l'homme".
V.Munir--DT